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Tchad: condamné à 8 ans de prison malgré l’amnistie générale, l’ex chef rebelle Baba Laddé fait-il toujours peur au régime ?

L’ex-chef rebelle tchadien Abdelkader Baba Laddé a été condamné jeudi à huit ans de prison ferme pour « détention illégale d’armes », « association de malfaiteurs », « incendie volontaire » ou encore « viol » par la Cour criminelle de N’Djaména. Il avait été arrêté en décembre 2014 par les Casques bleus de la Minusca en Centrafrique et extradé vers le Tchad en janvier 2015.

Une décision unique et inique en son genre… Une analyse de Jean Bosco Manga.

D’abord, nonobstant l’existence de deux amnisties en faveur de l’accusé.
Il y a celle qui couvre la période de 2008 à 2012 suite à un accord sous la supervision des Nations-Unies qui lui a permis de regagner le bercail et d’occuper même des postes comme conseiller à la Primature et Préfet de la Grande Sido. Ce sont ces mêmes faits amnistiés qui reviennent comme charges contre lui.

Ensuite, il y a celle issue de l’ordonnance N°019/PR/2019 du 7 juin 2018 portant amnistie générale des infractions d’atteinte à l’intégrité de l’État commises entre 1991 à juin 2018. La cour fait croire que les faits sont bien commis dans le cadre de cette rébellion mais les assassinats, les viols, les vols à mains armées ne sont ni couverts par la première amnistie moins encore par la seconde. Étonnant !

Ensuite, la preuve des allégations a constitué la plus grande difficulté de l’accusation au cours de ce procès. Aucun témoignage même rapporté dans un procès verbal. Aucun certificat médical d’une fille ou d’une femme violée, aucun certificat de genre de mort, aucun rapport pour prouver les assassinats reprochés à l’accusé, aucun procès verbal d’une quelconque case incendiée, aucun village incendié cité.

Et de tout, aucune plainte, aucune saisine officielle du Gouvernement centrafricain, mais un procès verbal de la police judiciaire centrafricaine reprise par la Police judiciaire tchadienne. Sans pièces, sans photos, sans témoignages. Mais on suppose que comme il était rebelle il aurait fait ça ou du moins ses éléments ont commis de telles infractions. Des suppositions !

La mission rogatoire demandée par le juge d’instruction tchadien demandé pour au moins rapporter des preuves et auditionner des témoins n’a jamais été exécutée.

3- La détention préventive abusive. La loi, notamment le code de procédure pénale n’autorise la détention préventive qu’au plus 24 mois. Pourtant l’accusé, d’ici 6 jours il fera 4 ans de détention préventive.

Malgré toute la panoplie des dispositions légales, des irrégularités et l’absence des éléments matériels des infractions pour défaut flagrant de preuve, Baba Laddé est quand même condamné à 8 ans de prison.

Ces questions posées par la défense sont restées sans réponses :
1- Il a tué qui? Où ? Comment ? Où sont les certificats de genre de morts?
2- Il a incendié quelle case? Dans quel village ? Où est le PV de constat?
2- Il a violé quelle femme ? Où ? Quand ? À défaut de témoignage, où est un seul certificat médical?
3- Il a volé quoi à mains armées? Quand? Où ? Et qui s’est plaint?

Ainsi va le Tchad… Ne sommes-nous finalement pas en train de dissuader et de décourager ceux qui croient à l’amnistie et veulent prendre le risque de rendre au bercail ? Y’a t-il une seule rébellion au monde qu’un pouvoir en place n’a pas reproché toutes ces infractions reprochées? Que disait le régime de Habré de la rébellion d’Idriss Déby? Que disait Tombalbaye de la rébellion de Hissein Habré ?

Si les gouvernants initient une générosité politique au nom de la paix sociale et tourner les pages des Républiques précédentes, il faut prendre de la hauteur et aller jusqu’au bout de la logique… Sinon, c’est du folklore politicien sans lendemain.

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