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Quand Dr Ali Abderamane Haggar prodigue conseils et critiques à l’adresse du Maréchal du Tchad

« Dauphinat intelligent », expression de la semaine du 10 au 16 août 2020.

Lors du débat: Indépendance du Tchad : 60 ans après, quel bilan ? animé par Alain Foka sur RFI et France24, Dr Ali Abderamane Haggar a proposé le concept de « dauphinat intelligent » au Président Déby, dans le but dit-il de mener le pays à une « transition apaisée et civilisée ». Le concept, même flou, doit questionner.

Le régime du MPS, à travers l’une de ses têtes pensantes, veut-il préparer l’opinion nationale et internationale à une succession de Déby ? L’ancien patron de la SONASUT et ancien Secrétaire général de la présidence prépare depuis quelques années une offensive de charme à coup de Fcfa et d’implication dans le milieu associatif en débouchant des jeunes qu’il met en avant.

Les mots ont leur sens, et leur emploi par un homme aussi calculateur que le Dr Haggar encore plus. Surtout, il n’aura jamais cette liberté de parole sans accord tacite du régime au plus haut niveau.

Revenons aux mots. Il y en a deux qui ont attiré notre attention : « apaisée et civilisée ». Par le mot « apaisée », notre Docteur en « planification », veut sûrement faire référence à une « transition » qui assurera les intérêts tant du clan, de la famille que des caciques du régime dont il fait partie. Une forme donc de changement dans la continuité.

Mais pour un homme aussi malin qu’Ali Abderamane Haggar, il sait que la pilule ne passera pas si la « transition » paraîtra trop flagrante dans la continuité de la dictature et du pillage. En conséquence, il faut une ou des cautions morales.

Il a cité deux noms: le « vieux » Saleh Kebzabo, dont il aurait un « faible » et un jeune à « suivre de près » en la personne de Succès Masra. Les deux se verront-ils impliqués dans ces marchandages ? Une retraite dorée pour le « vieux » et un poste de premier ministre avec des assurances pour le « jeune qui empêche le chef de dormir » ? « Transition civilisée ». Ces mots sont destinés tant aux partis politiques qu’à la communauté internationale. C’est une référence implicite à la probabilité, très élevé, d’un changement de régime par les armes. C’est donc une « proposition civilisée » contre la « barbarie » de la guerre.

Ali Abderamane Haggar a beau être un intellectuel charmeur et au discours rassembleur, il reste un redoutable animal politique, un homme de clan et de réseau. Sa vision du pouvoir est extrêmement manichéenne : il y a le clan au pouvoir et de l’autre côté, les puissants groupes rebelles de la grande communauté dont il ne citera jamais le nom.

On occulte le plus important : qui sera ce « dauphin intelligent » ? L’actuel président de l’Union Africaine Moussa Faki ? Un Zakhawa de l’est du Tchad comme Haggar, instruit et influent sur la scène internationale. Est ce l’occasion de renvoyer l’ascenseur aux Zakhawas du Wadi-Fira longtemps marginalisés et utilisés comme chair à canon au profit de l’élite Bideyate-Borogat du BET ?

Il faut signaler que malgré le semblant d’unité autour du gâteau Tchad, les assassinats d’Abbas Koty et de Bichara Digui restent des blessures ouvertes et non soldées. Mais Moussa Faki aurait une santé chancelante et n’a pas la base tribale nécessaire pour asseoir son autorité sur la DGSSIE. Mais qui alors ? L’un des fils de Déby ? Zakaria, Mahamat Déby, Abdekerim ? Même si le dernier fils est présenté comme bagagé intellectuellement et « compétent », ce scénario risque d’être violemment rejeté tant par la France que les politiques tchadiens. On risque de passer à côté, Ali Abderamane Haggar pense t-il à lui-même en parlant de « Dauphina intelligent » et en prenant le risque de se présenter de manière décomplexé comme membre de la « mouvance présidentielle » ?

Ces manœuvres compliquées sont-elles derrières sa stratégie de se mettre en avant comme le fruit d’une famille multiculturelle et multiethnique ? Son « faible » pour le vieux Kebzabo et son « attention » pour le « jeune » Masra est ce pour charmer nos compatriotes du sud tout en se faisant passer comme un trait d’union entre les communautés de l’Est ? [NDLR de TchadConvergence: selon des sources proches du Palais rose, c’était justement pour ce jeu d’équilibriste qui consiste à se faire passer pour « l’intellectuel » Zaghawa capable de s’entendre avec les cadres du sud que le Maréchal du Tchad l’avait viré de son poste de Secrétaire général à la présidence de la République et recyclé à la tête de la Société Nationale Sucrière du Tchad (SONASUT) avant d’être jeté en prison pour détournements de biens publics. A ce sujet, il faut lire les révélations de Charfadine Galmaye Salimi sur Dr Ali Abderamane Haggar].

Mais quid du « grand Nord », euphémisme pour désigner le BET et le grand Kanem ? Seront-ils exclus de ces marchandages, je veux dire « transition apaisée et civilisée » ? Et les autres Tchadiens dans tout ça ? Les jeunes, qui constitue 80 % de la population et qui n’ont connu que Déby comme Président ? Quid de la réforme de l’armée ? De la police, de l’administration et la question de la dette ? Quid du compte du règne Déby ? Des dizaines de mouvements rebelles qui pullulent en Libye ? « Abbo », le prince Haggar, a-t-il trop lu Machiavel ? Les Tchadiens ont-ils besoin d’une « transition civilisée » dans la continuité ou d’une vraie alternance qui pose toutes ces questions ? Aux Tchadiens de répondre le moment opportun.

Une analyse de Charfadine Galmaye Salimi sur Facebook

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