Un mois après le déclenchement de la grève sèche et illimitée par la plateforme syndicale revendicative pour contraindre le Gouvernement à abandonner les mesures d’austérité qu’il a prises en abattant le salaire des agents de la fonction publique afin de juguler la crise financière qui frappe le pays depuis deux ans, les deux parties campent sur leurs positions.
La plateforme syndicale revendicative après avoir analysé la communication du premier ministre tenue ce vendredi 23 février 2017 à l’endroit des responsables partenaires sociaux, décide, à l’issue d’une assemblée générale évaluative tenue ce samedi 24 février 2018 à la bourse de travail, de la poursuite de la grève séchée illimité observée depuis un mois dans le secteur public de l’État.
Les travailleurs réclament le rétablissement de leurs salaires amputés pour le mois de janvier 2018 avant de reprendre le travail. La plateforme annonce par ailleurs, la suspension à partir de ce samedi 24 février 2018 du service minimum dans les centres de santés et les hôpitaux sur l’ensemble du territoire national. Pour eux le ministre de santé a recruté les secouristes pour pallier l’absence des médecins et infirmiers en grève.
D’après le porte-parole de la plateforme, M. Barka Michel le gouvernement n’a rien proposé du concret lors de sa communication sur les revendications des travailleurs. Selon lui, le premier ministre a reconnu que le nombre des fonctionnaires qui a été annoncé de 150 000 à 92 000 agents.
Personne ne veut prendre l’initiative malgré les appels de pied au dialogue sincère lancé par plusieurs organisations de la société civile proche du pouvoir comme d’autres partis politique de l’opposition.
C’est le dialogue de sourd qui s’est instauré entre le Gouvernement et la plateforme composée de l’Union des syndicats du Tchad (UST), le syndicat national des enseignants et chercheurs du supérieur (SYNECS) et enfin la confédération indépendante des syndicats du Tchad (CIST).
Outre les démarches entreprises par les partis politiques et de quelques associations de la société civile, les dignitaires religieux ont demandé à être reçus par le Premier ministre, Chef du Gouvernement pour lui faire part de leur inquiétude quant à la persistance de la grève qui touche tous les secteurs de la vie nationale. Ils ont exhorté les deux parties à renouer le fil de dialogue afin de trouver une solution efficace et efficiente à cette grève qui ne fait perdurer.
Il faut dire que toutes les activités socio-économiques du pays tournent au ralenti et même le service minimum instauré au niveau des établissements sanitaire du pays a été suspendu. L’administration publique est durement frappée par ce débrayage. En dehors des responsables décrétés, les agents observent scrupuleusement le mot d’ordre de la plateforme.
Tous les établissements scolaires sont également fermés. C’est ainsi que les étudiants pour se faire entendre, ont appelé à une opération « tintamarre » et de « sifflet universitaire » la semaine dernière. Cette opération a été largement suivie avec d’un concert assourdissant des casseroles pour demander au Gouvernement de rouvrir les salles de classe. Ils craignent que l’année soit déclarée blanche encore. Certains affirment que c’est un cri de détresse lancé à l’endroit des pouvoirs publics. A cette occasion la police a utilisé les grenades lacrymogènes pour disperser certains élèves et étudiants qui ont tenté de brûler les pneus sur les grandes artères de la capitale. Des centaines d’élèves et étudiants ont été arrêtés aux cours de ces manifestations parmi lesquels une trentaine a été condamnée à quatre mois de prison ferme et 74 jeunes sont toujours en attente de jugement.
Même son de cloche dans les provinces. A Sarh, chef-lieu de la région du Moyen –Chari a vécu la semaine dernière, une opération casserole, initiée par le syndicat des enseignants du Tchad (SET), section du Moyen-Chari. La ville pétrolière de Doba a également embouché la même trompette pour dénoncer la coupe de salaire des agents de la fonction publique. Une dizaine de personnes auraient été arrêtées à Doba après une « opération tintamarre ». Des bruits de casseroles, des cris et des coups de sifflets avaient réveillé cette ville du sud du pays.
Partout à travers le pays, syndicalistes, étudiants, opposants ou activistes de la société civile dénoncent une répression accrue.
Depuis, de nombreux leaders de la contestation au Tchad sont passés à la clandestinité. « Nous nous retrouvons avec 102 personnes arrêtées. Quelque 29 ont été libérées. Il y a eu des enlèvements, des intimidations, et certains de nos militants ne peuvent plus passer la nuit chez eux, parce que leur domicile est pratiquement surveillé nuit et jour et ils craignent d’être arrêtés », dit Mahamat Nour Idedou, secrétaire général de la Convention Tchadienne pour la Défense des Droits Humains.
Traqué et réduit à la clandestinité à cause de ses prises de position critiques envers la dictature, le président des jeunes de l’UNDR, Miarim Evariste Dillah reste introuvable depuis plusieurs jours. Dans un communiqué, l’UNDR s’inquiétait déjà de l’étrange disparition de Miarim Evariste Dillah. « Le 30 janvier dernier, il a annulé une conférence de presse pendant laquelle il avait fait [il aurait dû faire, ndlr] une critique assez acerbe de la situation socio-politique du pays. Depuis lors, il est pourchassé par la police politique. Si on lui reproche quelque chose, il faudrait que la police le lui notifie officiellement », explique Topona Célestin, premier secrétaire du parti.
Arrêté le 19 février dans les rues de N’Djamena, le porte-parole du mouvement citoyen « Iyina », Alain Didah Kemba vient d’être libéré. Cet activiste affirme avoir été torturé par les policiers lors de son interrogatoire, rapporte Amnesty International. D’après l’ONG, l’activiste « pouvait à peine se tenir debout » lors de la visite de son avocat, à qui il aurait confié que « les policiers lui avaient asséné des coups sur les jambes et la plante des pieds pendant un interrogatoire ». « Il a beaucoup de difficultés à marcher », rapporte Balkissa Ide Siddo, spécialiste de l’Afrique Centrale à Amnesty International.
Les autorités ont pris cette décision pour satisfaire aux exigences des bailleurs de fonds à savoir: le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque Mondiale (BM), ces deux institutions de Brettons Woods ont conseillé le Gouvernement Tchadien de réaliser une économie de plus de trente milliards de francs CFA avant d’espérer obtenir la deuxième tranche de l’aide budgétaire que le FMI lui a promis à la fin de l’année dernière. De ce qui précède, le Tchad souffre amèrement de la chute brutale du prix de baril de pétrole. La grande partie de son budget repose sur les ressources financières engrangées par le brut de Doba. Pour les autorités, cette crise n’est que conjoncturelle et que le dénouement n’est pas loin mais les fonctionnaires de l’administration publique n’entendent pas de cette oreille.
TchadConvergence avec lavoixducentre.info et zamaninfos.com