(N’Djaména, 14 décembre 2016) – Privés de rentrée scolaire pour cause de grève des enseignants, livrés à eux-mêmes depuis trois mois, 3 millions d’enfants au Tchad tuent le temps comme ils peuvent dans ce pays rongé par la crise sociale.
«Les parents sont fatigués de voir leurs enfants à la maison ou en train de vadrouiller dans les quartiers comme des bandits», déplore le collectif «Ça doit changer» qui a tenté de lancer mardi une opération «Sauvons notre école».
De fait, seules quelques dizaines de parents et d’élèves ont manifesté leur colère au petit matin dans deux lycées de la capitale N’Djamena, reconnaît un des organisateurs, Désiré Mbairamadji. Les autres ont eu peur de la police anti-émeute aux abords des établissements.
«Nous appelons les parents à bannir la peur car les forces de l’ordre n’ont pas violé les établissements scolaires», a déclaré à l’AFP M. Mbairamadji qui tente une nouvelle mobilisation mercredi.
En juillet, le Tchad publiait ses taux de réussite au baccalauréat: 19,84% admis d’office sur 77.142 candidats, 22,10% admissibles aux épreuves de rattrapage.
Dans ce système éducatif déjà fragile, les établissements publics (écoles collèges et universités) sont fermés depuis septembre à la suite du mot d’ordre de grève des syndicats des enseignants du Tchad (SET) qui demandent le paiement d’arriérés de salaires.
Un conflit social fréquent au Tchad, qui connaît de graves problèmes budgétaires en raison de la chute des cours du pétrole et du coût des opérations militaires anti-jihadistes dans les pays voisins.
«Ce n’est pas de gaité de cœur que nous avons arrêté les cours, mais nous ne demandons que notre dû. Nous aussi nous avons de la famille que nous devons nourrir», relève un instituteur, Issa Madjitoloum.
Résultats: dans les rues de N’Djamena, les enfants sont livrés à eux-mêmes. Chaque matin, terrains vagues et espaces vides se transforment en terrain de foot.
Faute d’aller en cours, d’autres élèves arpentent les marigots de la ville à la recherche de petits poissons appelés communément «balbout» en arabe tchadien.
Mal au coeur
Les plus âgés se sont improvisés commerçants ambulants, sillonnant les grandes artères de la capitale à la recherche des clients.
«Je vends des tee-shirts et des chaussettes que je prends chez les grossistes pour me permettre d’avoir un peu d’argent et faire face à mes besoins», explique François Alladoum, qui devrait suivre son année de terminale en temps normal.
Les parents sont désolés. «Il est triste de voir ses enfants dans la rue ou en train de vadrouiller sans rien faire par la faute du gouvernement», déplore Mahamat Abdramane, fonctionnaire et père de trois enfants.
«J’ai mal au cœur quand chaque matin je vois mes enfants en train de se tourner les pouces alors que les enfants des autres fréquentent les écoles privées», se lamente une infirmière, Halime Ali.
Le mouvement touche en effet les établissements publics, tandis que les cours se poursuivent normalement dans les écoles privées ainsi que dans les madrassas (écoles coraniques), avec un enseignement uniquement en arabe.
Mais les établissements publics regroupent près de 90% des élèves (un peu plus de 3 millions, contre 389 370 dans le privé, d’après le ministère de l’Éducation nationale consulté par l’AFP).
Dans l’entourage du président Idriss Déby Itno, qui règne depuis 26 ans sur le Tchad, on veut garder un brin d’optimisme. «L’année blanche peut être sauvée si les cours reprennent début janvier et les examens de fin d’années se font en août», souligne un responsable du ministère de l’Éducation nationale.
Au Tchad, 44% des quelque 12 millions d’habitants ont moins de 14 ans, selon des statistiques de 2014 qui pointent aussi un taux d’alphabétisation assez bas: 34,5% chez les 15 ans et plus, d’après le programme des Nations unies pour le développement (PNUD)
TchadConvergence avec AFP
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C’est triste