Accusées de trafic des produits psychotropes appelés Tramadol à destination de la Libye, 11 personnes comparaissent depuis vendredi à N’Djamena.
Au banc des accusés, de hauts gradés de l’armée tchadienne et du service de renseignement (ANS). Ils sont inculpés pour trafic de drogue, complicité de trafic et tentative de corruption, complicité, association de malfaiteurs et blanchiment d’argent.
Mais, seulement trois personnes ont été déférés devant le parquet d’instance ce vendredi 26 juin 2020 au Palais de justice de N’Djamena alors que 11 personnes sont poursuivies dans l’affaire.
C’est le président du Tribunal de grande instance de N’Djamena, Hamit Moustapha Nour, qui a présidé l’audience sur les dossiers de ces trois prévenus. Après l’étude des dossiers des prévenus sur le fond et la forme pendant 3 heures de temps par le président du Tribunal, l’audience a été reportée au 3 juillet 2020.
Le mode opératoire des trafiquants consistait à importer des produits prohibés de l’Inde, faire transiter par Douala (Cameroun) ou Cotonou (Bénin) et ensuite le faire escorter par des agents de l’ANS jusqu’à la frontière libyenne. Le carton de Tramadol vendu est à N’Djaména entre 26 et 30 millions vaut le triple voir plus en Libye.
Qui sont les hauts gradés de l’armée et de l’ANS présumés trafiquants de Tramadol vers la Libye ?
On nous dit qu’il a fallu six mois d’enquête pour démanteler un vaste réseau de trafiquants de drogue. On nous dit aussi que dans ce réseau, se trouvent des personnes a priori insoupçonnables. Mais aucune identité n’a été révélée. « Il y a des officiers, haut gradés de l’armée tchadienne et un responsable de l’Agence nationale de Sécurité (ANS, service tchadien de renseignement) qui ont trempé dans cette affaire de trafic de drogue », a expliqué le ministre, Djimet Arabi, sans préciser leur nombre. Trois officiers – un général et deux colonels – figurent parmi les accusés, a affirmé à l’AFP une source judiciaire qui a réclamé l’anonymat.
Selon le site lepaystchad.com, deux filières principales et une troisième secondaire ont été mises à nu. Dans la première filière apparaît le nom d’un certain Youssoubo, un homme d’affaire connu qui opère en complicité avec de hauts gradés de l’ANS. Dans la deuxième, apparaît le nom d’un certain Idriss Togoï connu sous le pseudonyme de Tcham-Tcham et la troisième est celle du Colonel Malli Kebir, un ancien délégué de l’ANS à Fanta connu dans le sud de la libye.
Vendredi prochain, le procès entrera dans les débats de fond. Selon des sources concordantes, d’ici là, la chaîne judiciaire risque de subir encore des tentatives de corruption et d’énormes pressions comme durant l’enquête. Jeudi, à la veille de l’ouverture du procès, le directeur adjoint de l’agence nationale de la sécurité (ANS), Idriss Youssouf Boy qui a coordonné l’enquête a été relevé de ses fonctions, selon RFI. Certains observateurs attribuent le limogeage du neveu du Président tchadien (Idriss Déby et le défunt Youssouf Boy sont cousins) à l’entourage du Président qui protège les accusés.
Tout a commencé avec la saisie, en janvier dernier, par les douanes tchadiennes, de 246 cartons de Tramadol, un puissant antidouleur, initialement dédouanés au Cameroun comme des produits pharmaceutiques. La cargaison destinée à la Libye est estimée à environ 12,3 milliards de francs CFA (18,8 millions d’euros) selon la même source judiciaire. « Un autre véhicule transportant la même valeur a réussi à partir sans qu’on puisse l’arrêter », a ajouté la même source.
Cette nouvelle affaire rappelle étrangement une autre concernant le même produit et qui avait, en juillet 2019, défrayé la chronique, toujours au Tchad et avait impliqué des cadres du ministère tchadien des Affaires étrangères dont le directeur général du ministère et le directeur des Tchadiens de l’étranger. Une cargaison de Tramadol d’une valeur de près de 8 milliards de F CFA, détenue par un Tchadien, avait été arraisonnée au Bénin, en avril 2019. Le tchadien a été arrêté avec un container des produits psychotropes en provenance de l’Inde. Le bon de commande, prétendument établi par l’hôpital d’instruction militaire de N’Djamena sur commande de l’armée tchadienne, devait en principe permettre aux malfaiteurs de tromper la vigilance des douaniers béninois et faire passer la livraison sans qu’elle ne soit interceptée, grâce au sceau du « secret défense », n’eut été le signalement d’Interpol.
S’exprimant au nom des avocats des accusés Me Alain Kagonbe a dénoncé auprès de l’AFP le non-respect des délais de garde à vue et l’atteinte aux droits de la défense, certains accusés étant selon lui détenus depuis six mois « sans avoir la possibilité de rencontrer leurs avocats ».
TchadConvergence