Au quarante-unième jour de l’attaque que mène l’armée tchadienne contre les habitants du village de Miski dans l’extrême-nord du Tchad, pas de combats au sol, mais des bombardements aériens sporadiques des refuges des civils dans les grottes et des véhicules civils ont sauté sur des mines placées par l’armée. Le pouvoir est accusé d’intensifier sa lutte pour chasser par la force les habitants de la zone aurifère de la région de Tibesti.
Des photos publiées sur le compte Twitter du Comité d’auto-défense de Miski montrent des hélicoptères de l’armée tchadienne pour prouver que les attaques aériennes se poursuivent.
L'aviation d'Idriss Deby a renforcé son dispositif aérien dans sa base arrière de Faya. Les bombardements sur Miski ont été intensifiées ces dernières 72 heures sans faire de victimes. pic.twitter.com/6lciV8ctDq
— Comité d'auto-Défense de Miski (@MiskiTchad) 1 décembre 2018
Contacté par la Deutsche Welle, La Voix de l’Allemagne, le Colonel Rozi Losso, ancien officier de l’armée tchadienne et désormais un des chefs du comité d’auto-défense de Miski a déclaré que « le gouvernement ne veut pas que les habitants de Miski exploitent l’or. Ils ont donc tué beaucoup de personnes civiles. Les survivants se sont cachés dans des grottes. Pourtant, nous ne sommes pas des rebelles, pas des fuyards. Nous ne faisons que de nous défendre. Toute la région est minée. Nous sommes obligés de nous cacher sur place».
De son côté, le gouvernement reconnaît avoir fait usage de « l’exercice de la puissance publique » pour déloger les habitants de ces mines.
La semaine dernière, des parlementaires ont même proposé de se rendre sur place pour recueillir les doléances des populations de cette région où de l’or a été découvert il n’y a pas longtemps.
La semaine dernière, à l’initiative du Député Saleh Makki qui préside le groupe parlementaire « les Démocrates » à l’Assemblée nationale du Tchad, plusieurs députés ont appelé à la cessation des hostilités et à se rendre dans le Tibesti. Saleh Makki a confié à RFI que les « raisons du mécontentement des populations du Tibesti, ayant conduit aux hostilités en cours, se situent à deux niveaux : un découpage administratif contesté et l’intention du gouvernement d’exploiter l’or découvert il y a peu dans cette partie du territoire dans des conditions que les autochtones n’approuvent pas ».
« Nous voulons aller sur place. Il faut une délégation parlementaire issue de toutes les sensibilités de l’Assemblée, écouter la population et prendre leurs revendications s’il y en a, les apporter ici et en discuter avec l’exécutif pour absolument ramener le calme dans cette partie de notre pays. Nous sommes pour l’arrêt immédiat de toute hostilité des deux côtés pour nous permettre d’intervenir. Sinon, nous ne pourrons pas intervenir et il faut absolument un arrêt de toutes les violences », a expliqué Saleh Makki à RFI.
Mais ce weekend, à l’occasion de la célébration des festivités marquant les 28 ans de règne du Président Idriss Déby, le secrétaire général du Mouvement patriotique du salut (MPS), Mahamat Zen Bada a balayé d’un revers de main la situation indiquant qu’il s’agit juste d’une opération de maintien de l’ordre.
« Il y a eu ce qu’on appelle l’or du Tibesti… des individus partent là-bas pour chercher de l’or… Et ces orpailleurs, ils passent vers la Libye, ils passent vers l’Égypte où ils trouvent le moyen d’aller au Moyen-Orient pour revendre cet or. Tous ceux qui vont travailler, ils les engagent. Dans ce sud de la Libye et dans l’extrême nord du Tchad, les gens appellent au secours. Si le gouvernement du Tchad se lève, c’est un problème, donc ils sont venus se réfugier dans les montagnes du Tibesti. Et là, ça devient pour le gouvernement un problème de maintien de l’ordre: vivre dans un territoire aussi hostile, l’ordre ne peut plus être maintenu par la police et la gendarmerie. Donc ce sont ces forces de troisième degré qui ont été engagées pour pouvoir déloger ces gens. Ce n’est ni une révolte de communauté, ce n’est ni une ethnie qui s’est révoltée contre le pouvoir central, ce n’est ni une rébellion contre le gouvernement tchadien qui est venu s’installer, c’est une bande de narcotrafiquants, des orpailleurs de tout bord. C’est un problème de maintien de l’ordre, point. Mais ce sont des individus fortement armés qui mettent de la pagaille et ça ce n’est pas acceptable pour le gouvernement », a-t-il déclaré à RFI.
Cliquez pour écouter Mahamat Zen Bada sur RFI