Salibou Garba, président du parti Alliance nationale pour la démocratie et le développement (And) décrypte la situation actuelle du pays, notamment, les conflits intercommunautaires, interethnique et agriculteurs-éleveurs qui ont endeuillé beaucoup de famille. Il signale l’urgence…
Depuis quelques temps, on constate une recrudescence des conflits intercommunautaires, interethniques et agriculteurs-éleveurs, en votre qualité de chef de parti politique aspirant à la magistrature suprême, quelles solutions préconisez-vous pour arriver à bout de ces conflits ?
Après trente (30) ans de contrôle sans partage du pouvoir, de pouvoir intégral, le président Déby, le Mps, ainsi que leurs alliés et soutiens n’ont rien à prouver, à proposer ou à réaliser de positif pour le Tchad et les Tchadiens. A l’allure où vont les choses, nous courons le risque de nous enfoncer dans un bain de sang généralisé qui va se développer, y compris à l’intérieur des différentes communautés. Ceux qui détiennent le pouvoir et leurs partisans doivent tirer les leçons qui s’imposent s’ils aiment encore leur pays, ses populations, voire leurs progénitures. Ils doivent rendre le tablier et passer la main après la tenue d’un dialogue inclusif où les acteurs majeurs vont redéfinir le cadre d’un nouveau vivre ensemble de toutes les communautés. Sans ce cadre, sans justice non partisane, sans forces de sécurité républicaines,… bref, sans État, la cohabitation pacifique entre les entités qui peuplent ce territoire est pure illusion.
Le Tchad a plus que jamais besoin d’un nouveau contrat social, après que le président Déby et le Mps aient méthodiquement dévoyé, puis jeté dans les poubelles, les orientations prescrites par la Conférence nationale souveraine (Cns). Donc, sans tergiverser, sans faux-fuyants, il faut aller à l’organisation de ces assises que les forces vives appellent de tous leurs vœux depuis plus d’une décennie.
Selon vous, qu’est-ce qui explique la recrudescence de tous ces conflits ?
La principale cause de cette évolution apocalyptique est la mauvaise gouvernance du pays et de l’État par le président Déby et le Mps, aidés en cela par toute cette cohorte de prébendiers et de griots prédateurs. En 30 ans de règne, au lieu de travailler à la consolidation de l’unité nationale, le pouvoir s’est attelé à mettre à mal la cohésion nationale, à pratiquer la politique de « diviser pour régner ».
Qu’il s’agisse de la prolifération des armes de guerre provenant des arsenaux du gouvernement ou introduites à partir des zones de conflits qui ceinturent notre pays, le gouvernement est le principal, voire l’unique responsable.
Quant aux conflits qu’on prétend qu’ils opposent agriculteurs et éleveurs, les responsables de l’administration civile et militaire, propriétaires de ces troupeaux dévastateurs, en sont à l’origine, en raison de l’impunité dont jouissent les bouviers. Ce ne sont pas les éleveurs qui ont rédigé et voté le Code pastoral. L’instauration du serment confessionnel, qui écorne sérieusement la laïcité de l’Etat, procède de cette obstination à diviser pour régner.
Dans une situation où l’Etat n’existe que de nom (Ndlr, de l’aveu même du ministre de la Défense alors ministre de l’Administration du territoire, Mahamat Aba Ali Salah), où aucune institution ou organe de l’Etat n’est en mesure de remplir ses missions, dans une situation où le citoyen ne croit plus en la justice de son pays, c’est la loi de la jungle qui s’instaure. Du reste, les cas des violations des lois par les plus hautes autorités sont légion (loi relative à la Céni, ordonnance portant statut de l’opposition, etc.). Le postulat, pendant la colonisation et après l’indépendance, était de bâtir une nation à partir de l’État. Celui-ci étant défaillant, la notion de nation devient factice. C’est à cela qu’il faut remédier et non s’embourber dans la fuite en avant, dans la répression. C’est urgent.
Que pensez-vous en tant que Tchadien d’abord et l’élu du peuple de la déclaration du président de la République, Idriss Déby Itno lors de sa dernière visite dans la province du Sila ?
Les propos auxquels vous faites allusion sont aux antipodes de la recherche de la résorption de ces conflits d’une atrocité bestiale. Nombre d’observateurs et de défenseurs des droits humains n’ont pas hésité à les qualifier de « proprement hallucinants », « d’autorisation d’exécutions extrajudiciaires de masse », incompatibles à l’État de droit qu’on prétend construire ou défendre. Le rétropédalage du directeur de la communication de la présidence de la République n’a fait que mettre en lumière l’extrême gravité de ces propos incroyables, inimaginables.
Propos recueillis Par Sabre Na-ideyam
Texte de l’interview envoyé par Salibou Garba