Au Tchad, une manifestation contre la France a eu lieu dans la matinée de ce samedi 14 mai, à l’appel de la coalition d’opposition « Wakit Tama ». Elle a été rejointe par des lycéens qui ont fini par attaquer des symboles de la France.
Des coups de sifflet ou encore des klaxons de motocyclettes ont retenti le long du parcours sur près de 3 Km. Sur les pancartes, on pouvait lire : « Non à la France », « France dégage ».
Des centaines de lycéens ont rejoint la procession, juchés sur des motos. Le cortège a même tenté de dépasser le rond-point où devait se terminer la marche. Mais quelques tirs de grenades lacrymogènes les ont alors obligés les manifestants à battre en retraite.
« Je manifeste parce que la France veut encore nous imposer le système Déby », a lancé un jeune lycéen bandeau blanc sur la tête.
« Si nous continuons à souffrir aujourd’hui depuis l’indépendance, c’est par la faute de la France qui nous empêche d’être réellement indépendants », renchérit Idriss Moussa, un enseignant arabophone.
Il n’y a finalement pas eu de prise de parole à cause de la cohue, mais le coordonnateur de « Wakit Tama » se dit fier de la mobilisation. « Ce qui s’est passé nous a fait chaud au cœur. Nous pensions que nous étions des illuminés. C’est la première fois qu’on a eu autant de ralliements. Il y avait des commerçants, des associations, mais vous avez vu aussi que peut-être que mes frères du Nord étaient plus nombreux que nous qui portons le pantalon. Mais le peuple tchadien, dans son ensemble, était là », a déclaré Me Max Loalngar, coordonnateur de « Wakit Tama ».
Condamnation de la classe politique
De son côté, le parti Les Transformateurs, dirigé par Succès Masra, se désolidarise de cette manifestation. Il estime, dans un communiqué, que c’est contre l’injustice et le système politique au Tchad qu’il faut se battre.
Le Mouvement Patriotique du Salut, dénonce des « agissements irresponsables », l’ancien parti au pouvoir de feu Idriss Déby estime que la marche a « occasionné d’énormes dommages à des concitoyens innocents », ainsi qu’une « atteinte inexplicable et inacceptable aux symboles des pays amis et frères du Tchad »
Le MPS accuse « des groupuscules entretenus et financés par certaines puissances étrangères mues beaucoup plus par d’autres intérêts que ceux du paisible et accueillant peuple tchadien », et demande au gouvernement des enquêtes pour sanctionner les auteurs et les commanditaires de ces faits.
Saleh Kebzabo, ancien chef de fil de l’opposition tchadienne s’est prononcé en disant « stop » aux manifestations et demande aux tchadiens de se recentrer sur « les vrais problèmes ». « Pendant certains tchadiens préparent le Dialogue National Inclusif (DNI) à Doha, on apprend que d’autres Tchadiens préparent le DNI à leur façon par des marches pour saccager et piller, contre la présence française au Tchad. C’est un faux débat qui risque d’occulter tous nos vrais problèmes, hélas nombreux », a poursuivi le leader de l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR).
Sept stations d’essence du groupe pétrolier français Total ont été vandalisées et 12 policiers blessés samedi lors de cette manifestation anti-français de quelques centaines de personnes à N’Djamena, selon un responsable de la police qui a requis l’anonymat. « Les dégâts et le manque à gagner s’élèvent à plusieurs centaines de millions de francs CFA. Nous porterons plainte contre X afin d’identifier les auteurs et les complices de ces actes », a dit Almoktar Allahoury, directeur général de Total Énergies Marketting Tchad.
Cinq responsables de la principale coalition de l’opposition, Wakit Tamma, qui avait organisé la marche, ont été arrêtés dans la foulée.
Gounoung Vaima Gan-Fare, secrétaire général de l’Union des Syndicats du Tchad (UST), Youssouf Korom Ahmat, secrétaire général du Syndicat des commerçants fournisseurs tchadiens, Massar Hissein Massar, président du Rassemblement des Cadres de la société civile, Koudé Mbainassem, président de l’Association pour la Liberté d’expression et Allamine Adoudou Khatir, ancien ambassadeur, « ont été inculpés d’attroupement ayant causé des troubles à l’ordre public, atteinte à l’intégrité corporelle de personnes, incendie et destruction de biens, mis sous mandat de dépôt et incarcérés à la maison d’arrêt de Klessoum », a déclaré lundi soir à l’AFP Moussa Wade Djibrine, procureur de la République près le tribunal de grande instance de N’Djaména.