L’actualité de cette semaine qui s’achève est marquée par les investitures des candidats à la présidentielle d’avril 2021 au Tchad par leur parti ou regroupements de partis. Une investiture retient particulièrement l’attention des Tchadiens : celle de Yaya Dillo Djérou, l’homme qui a fait un direct sur Facebook dénonçant la gestion scandaleuse de la pandémie du Covid-19 par le gouvernement et l’ombre de la fondation Grand Cœur de la première Dame Hinda Déby qui plane partout sur les activités régaliennes de l’Etat. Ce courage lui a coûté arbitrairement son poste à la Commission Économique du Bétail de la Viande et des Ressources Halieutiques (CEBEVIRHA) de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) et des ennuis judiciaires qui l’ont éloigné, un moment, de la capitale tchadienne. Une analyse du journaliste Martin Inoua Doulguet, Directeur de publication du journal SALAM Info.
L’homme était obligé de se réfugier dans son village pour organiser la résistance contre l’arbitraire judiciarisé et cela a été une mise en scène digne d’un film hollywoodien. Alors qu’il n’a pas encore fini avec la justice, pour avoir été accusé de diffamer la première Dame, Yaya Dillo crée la surprise en se faisant investir par un parti dont l’adhésion était, jusqu’à cette semaine, inconnue: PSF (Parti Socialiste sans Frontières) de Dinamou Daram.
Ne nous emballons pas trop vite. Déby invalidera cette candidature. Le despote n’acceptera pas qu’un de ses frères d’ethnie zakhawa puisse le défier dans les urnes. Yaya Dillo qui connaît bien le dictateur tchadien doit s’attendre au rejet prochain de sa candidature par la Cour Suprême, une cour sous la coupe réglée du pouvoir MPS. Je voudrais dire aux assoiffés de l’alternance qui s’agitent et adoubent l’ancien rebelle Yaya Dillo de se calmer et de revoir leur stratégie.
La candidature de leur « messie » ne franchira pas la porte de la Cour suprême. Et ces derniers doivent toujours se rappeler de la couleur de notre justice: est-elle indépendante ? La réponse est évidente. Oui, Déby ne permettra pas à un autre zakhawa de le défier et cela n’est pas nouveau. Un observateur averti de la scène politique tchadienne doit se dire qu’il y avait déjà des précédents. C’est ici le lieu de rappeler l’engouement qu’a suscité l’entrée en politique d’un autre zakhawa en 2015 avec un parti dont il était le président.
Il s’agit d’Idriss Annour Abdelkérim avec le parti UMR. Où est passé aujourd’hui ce jeune ? Nulle part. Il est revenu à la case de départ. Le pouvoir MPS l’a d’abord dégradé de son grade d’officier général (Contrôleur Général de Police) avant de le radier de l’armée par la ensuite. La pression et la galère étaient tellement pesantes, que Monsieur Annour Abdelkérim était obligé de ramper devant son grand-frère Déby et de renoncer ses ambitions politiques. Il quitta le parti UMR et par la suite, le parti a été dissout. Pour le récompenser, Idriss Déby rétablit à Idriss Annour Abdelkérim son grade de Général de l’armée tchadienne et plus tard, il a été nommé à la Direction des Investigations Économiques et Financières (DIEF), un service au sein de l’ANS, la Police politique du régime tchadien. Plus tard, il fut bombardé Directeur Général des Douanes.
Pour revenir à Yaya Dillo, il faut quand même lui reconnaître un certain courage et et mérite. J’ai personnellement côtoyé cet homme en 2015 (?) lorsqu’il était Conseiller à la présidence de la République en charge du Pétrole. Yaya Dillo m’épatait par ses analyses sur la crise que le Tchad allait traverser et il a fini par avoir raison. Il n’est pas un arriviste et, c’est pour cette raison aussi, que Déby ne le laissera pas franchir l’étape de la validation de la candidature.
Si Yaya Dillo veut aider l’opposition, après le très probable rejet de sa candidature, il doit mouiller le maillot et travailler les Tchadiens de la province de Wadi-Fira et du grand BET (Borkou-Ennedi-Tibesti), considéré à tort comme le fief du président Idriss Déby, pour qu’advienne, effectivement l’alternance tant souhaitée. Et si Yaya Dillo s’y met, la messe sera dite et le régime MPS ne sera qu’un mauvais souvenir du passé, d’ici le 11 avril.
Les Tchadiens de tous les horizons souffrent des affres du pouvoir MPS et sont prêts à réserver une défaite cuisante au candidat Déby. Cette analyse est une hypothèse et elle est fondée. Mais si Déby, pour une fois, pourrait laisser les Tchadiens du BET et de Wadi Fira exercer leur librement leurs droits et devoirs civiques, il n’a qu’à, cette fois-ci, créer la surprise, en acceptant de laisser Yaya Dillo concourir au suffrage universel [NDLR de TchadConvergence: depuis son arrivée au pouvoir, Idriss Déby a interdit aux ressortissants du BET et de Wadi Fira de créer des partis politiques]. Le maréchal Déby se permettra-t-il ce défi ? C’est à parier. Aussi, si la Cour suprême, pour redonner à la justice ses lettres de noblesse, décide de valider la candidature de Yaya Dillo, le Tchad ressemblerait à quelque chose. Attendons de voir.