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Élections législatives au Tchad: un mois après la demande de la France de fixer un calendrier, le dictateur Idriss Déby continue de narguer Paris

(N’Djaména, 10 octobre 2017) – Les législatives ont été ajournées, sine die, en février dernier. Alors que le gouvernement évoque un manque de moyens, des experts mettent en cause la volonté du parti au pouvoir.

Rien n’est décidément simple entre le dictateur Idriss Déby et ses protecteurs occidentaux. Après avoir bénéficié du soutien de la France pour récupérer deux dizaines de milliards de dollars auprès de bailleurs internationaux à Paris le 8 septembre dernier, l’homme qui tient le Tchad d’une main de fer depuis plus de 27 ans n’a plus de prétexte de repousser, pour des raisons financières, le calendrier électoral des législatives. L’opposition tchadienne appelle la communauté internationale à s’opposer à ce déni de démocratie qui a été entendue par les diplomates français.

Le 12 septembre 2017, Idriss Déby a été rappelé à l’ordre par Paris afin de procéder à des élections législatives reportées sine die depuis février 2017 pour « manque de moyens financiers ». Une observation lui a été faite par la France, qui estime que le despote tchadien doit fixer très prochainement une date pour l’organisation de ce scrutin.

«Les élections législatives sont un moment important dans la vie démocratique. Nous espérons, à cet égard, que les autorités tchadiennes, dont c’est la responsabilité exclusive, seront en mesure d’annoncer prochainement un calendrier», a déclaré, Agnès Romatet-Espagne, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères à la presse.

Le palais rose n’a pas réagi officiellement, mais une première réponse était venue de la majorité présidentielle qui a affirmé via son coordinateur que «les réformes institutionnelles (sont, NDLR) en étude. Il se pourrait que ces reformes-là dictent les conditions de l’organisation de ces élections législatives. Donc, je ne vois pas que ça peut être un pays ami qui puisse imposer à un autre ami la date de l’organisation des élections».

Le 17 septembre 2017, la coalition dite «Touche Pas À Mes Acquis», a lancé au Palais du 15 janvier, une journée dite « citoyenne de la société civile » pour dénoncer d’après elle, « les visées déstabilisatrices du Tchad et soutenir le gouvernement dans l’organisation du forum national sur les reformes des institutions de la République».

« Au moment où le Tchad cherche à écrire sa propre histoire, en fixant lui-même le cap de son destin par une auto-évaluation de sa gouvernance et la mise sur pied prochaine des institutions fortes et solides, à ce moment précis, des ingérences extérieures chercheraient par des voies tortueuses à leur imposer une vision. La journée citoyenne de la société civile dit non à toutes les démarches qui viseraient à remettre en cause la volonté commune des tchadiens qui est de construire dans l’unité et la cohésion nationale l’avenir de leur pays. En tant que société civile, nous avons cette mission d’orienter, d’apaiser, de proposer et non de jouer le rôle de l’opposition politique ou encore d’agent de déstabilisation des institutions de la république », a martelé Mahamat Digadimbaye, président de «Touche Pas À Mes Acquis», une organisation créée il y a quelques mois par le pouvoir, sous la forme d’une coalition des organisations satellites du MPS, parti au pouvoir, pour contrecarrer l’action de la vraie société civile au Tchad.

Selon le politologue tchadien Dobian Assingar, s’adressant à Anadolu, par cette observation légitime, l’Élysée accentue la pression sur les autorités tchadiennes pour l’organisation des élections législatives qui, pour l’heure, n’est pas très favorable à la majorité présidentielle au Tchad. Le Tchad a besoin seulement d’un budget estimé entre 90 millions et 100 millions de dollars pour organiser les élections législatives dans des délais raisonnables.

«Après le succès de la table ronde pour la mobilisation des ressources au profit du programme de développement du Tchad à Paris, la France a raison d’estimer que les prétextes évoquées par le gouvernement tchadien pour repousser le calendrier du scrutin ne sont plus valables. Il fallait renouveler l’Assemblée nationale conformément au délai constitutionnel. Mais il est clair qu’organiser les élections législatives en cette période de crise économique et des tensions sociales qui ont suscité beaucoup de mécontentements auprès de la population, n’est pas favorable au pouvoir en place», souligne-t-il.

Pour le politologue, les autorités tchadiennes, repoussent les élections, non pas par manque des moyens financiers, mais essayent de gagner du temps pour espérer juguler la crise économique et apaiser les tensions sociales, afin de s’assurer d’avoir la majorité à l’Assemblée nationale, à l’issue des élections législatives.

Financement du développement
Pour le gouvernement, la situation actuelle de la trésorerie du pays ne peut pas supporter les dépenses de l’organisation du scrutin dans un délai proche. Selon la porte-parole du gouvernement tchadien, Madeleine Alingué, les 20 milliards de dollars récoltés à Paris ne sont pas un budget additionnel destiné à renforcer le trésor public, mais ce sont des financements des projets de développement aux objectifs bien définis.

«Le pays est en crise financière. Le plus urgent pour le gouvernement est de mettre en place des mécanismes pouvant accompagner les financements des projets, conformément aux objectifs du programme national de développement. On ne peut pas prétendre dévier l’argent récolté à la table ronde, destinés aux projets, pour financer les élections législatives. Ce sera trahir nos engagements pris avec les bailleurs des fonds à Paris», a indiqué à Anadolu, Madeleine Alingué.

La porte-parole du gouvernement explique que le Tchad est conscient de ses engagements constitutionnels, mais, le report des élections législatives est dicté par la crise économique et financière que traverse le pays et que l’apport de la communauté internationale est de moins en moins généreux. Le gouvernement veut bien organiser les élections, mais n’a plus les ressources financières nécessaires pour le faire.

«Malgré la crise économique tendue que nous traversons, avec ses corollaires de la chute du prix des barils de pétrole et les dépenses militaires pour la lutte contre le terrorisme, nous avons débloqué plus 150 millions de dollars pour organiser la présidentielle en 2016, sans l’aide de la communauté internationale. Ce qui a mis notre pays au bord de gouffre économique et le trésor n’est plus en état de supporter les dépenses pour des législatives en 2017».

L’opposition et la société civile, estiment que, seule l’organisation des élections législatives dans les délais pourrait mettre un terme aux tensions sociopolitiques que traverse le pays depuis « la réélection contestée » du président Déby pour un cinquième mandat, en avril 2016.

«Pour éviter que notre Assemblée nationale actuelle ne continue de vaguer dans l’illégitimité, il est urgent pour le pouvoir d’organiser les élections législatives. Il est plus que nécessaire de fixer un calendrier pour les scrutins. La Commission électorale nationale indépendante dispose déjà du fichier électoral nécessaire, qui est l’élément le plus important de l’élection, le reste c’est la volonté politique du gouvernement», a indiqué à Anadolu, Saleh Kebzabo, chef de file de l’opposition tchadienne.

Pour rappel, les législatives avaient été repoussées, sine die, en février dernier par le Président Idriss Déby qui a déclaré à la presse tchadienne que : «Quand je dis que nous ne pouvons pas faire des législatives, c’est par manque de moyens. En période de vaches maigres, on ne peut rien faire. Quand nous aurons des ressources, on pourra organiser des élections législatives peut-être en 2019».

TchadCongence avec l’agence Anadolu

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