En poste depuis 1990, le président tchadien instaure une nouvelle IVe République pour renforcer ses pouvoirs. Alors que les alliés occidentaux de Déby, dont la France, ferment les yeux, la presse ouest-africaine dénonce le risque d’ « un pouvoir à vie », rapporte RFI dans sa Revue de presse en Afrique.
« Rideau sur le troisième acte du scénario sur les réformes institutionnelles au Tchad ! s’exclame L’Observateur Paalga. Après le forum conclusif sur la réforme des institutions tenu fin mars et boycotté par l’opposition et une bonne partie des organisations de la société civile, le Conseil des ministres a adopté, [mardi 10 avril], le projet de la IVe République ».
“Il ne reste plus que le quatrième et dernier acte, relève encore L’Observateur Paalga: l’onction parlementaire, l’option référendaire ayant été rejetée par le pouvoir. Mais avec une majorité écrasante du MPS [Mouvement patriotique du salut], parti au pouvoir, pan après pan, on déroule le tapis rouge au roi Idriss à l’horizon 2021, terme de son cinquième mandat.”
Suppression de la limite d’âge
En effet, constate le quotidien burkinabé, cette nouvelle République accorde d’importants pouvoirs à Idriss Déby. « Avec la suppression en vue du poste de Premier ministre et le refus du pouvoir de créer un poste de vice-président, tous les pouvoirs se trouveront désormais concentrés entre les seules mains de l’ancien petit berger de Berdoba [nord-est du pays]. Il pourra, seul, traire le lait et compter les veaux. […] Cerise sur le gâteau, la durée du mandat, déjà illimitée, passera de cinq à six ans, alors que le plafonnement à 70 ans pour la candidature à la magistrature suprême a purement et simplement sauté [Idriss Déby a 65 ans] ».
Ce qui inspire au quotidien Aujourd’hui au Faso, toujours à Ouagadougou, ce titre: « Constitution de la IVe République au Tchad : bienvenue au royaume de Déby ! »
« Devant le doux euphémisme de présidence intégrale, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une monarchisation du Tchad qui ne dit pas son nom, estime le quotidien ouagalais. Voilà Idriss Déby qui remet les compteurs à zéro, pour régner, et évidemment les Occidentaux fermeront les yeux, car il est un pivot dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Le warrior [« guerrier »] en chef sait se battre, le siège de l’opération Barkhane [menée par l’armée française pour lutter contre le terrorisme djihadiste dans le Sahel] est au Tchad, et il y a toujours un peu du pétrole ».
« En dépit donc de la clameur désapprobatrice des Tchadiens, soupire Aujourd’hui au Faso, des grèves à tiroirs [le pays sort de deux mois de grève de la fonction publique], de la quasi-banqueroute du pays qui n’arrive plus à payer les salaires des fonctionnaires [en raison de la chute du baril de pétrole, ressource majeure du Tchad], Déby aura sa Constitution, son sextennat, et goûtera encore à ce nectar nommé pouvoir ».
Un pouvoir qui pourrait durer « jusqu’en 2033 ! » remarque pour sa part Ledjely.com en Guinée. « Le véritable mobile de la réforme, c’est le pouvoir à vie », affirme le site guinéen. « Idriss Déby veut s’inscrire dans la logique de Denis Sassou-Nguesso [au Congo-Brazzaville], Pierre Nkurunziza [au Burundi], Paul Kagame [au Rwanda] et dans une certaine mesure, Joseph Kabila [en République Démocratique du Congo]. Bref, il veut s’octroyer quelques mandats supplémentaires, mais s’abstient de mettre l’accent sur ce mot, plutôt controversé désormais sur le continent africain ».
« Pour s’éviter les ennuis qu’avaient récoltés Sassou-Nguesso et Nkurunziza, Kabila avait essayé le glissement. Déby, lui, expérimente le contournement, analyse Ledjely.com. En effet, avec la nouvelle république en perspective, le président tchadien est assuré d’aller très loin au-delà de la limite de 2021. Il sera potentiellement président jusqu’en 2033, donc. Mais en mettant la lumière sur les autres aspects des réformes, il détourne les projecteurs et s’évite la critique des médias ».
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