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Etat de santé du Président Idriss Déby: 17 années d’inquiétudes et de rumeurs

Depuis le départ du Président Idriss Déby pour Paris, après avoir assisté au sommet du G5 Sahel qui a eu lieu le 13 janvier 2020 à Pau dans le sud-ouest de la France, les rumeurs vont bon train sur son état de santé. L’analyse de TchadConvergence.

A Maputo, au Mozambique, en juillet 2003, il y a 17 ans, en plein sommet de l’Union africaine, Idriss Déby quitte précipitamment la salle de conférences. Après quelques heures de vol, son avion se pose à N’Djamena. Mais, le Président tchadien n’en descend pas. C’est le Premier ministre de l’époque, Moussa Faki Mahamat, qui monte à bord. L’avion remet les gaz pour Paris, où Idriss Déby est admis à l’Hôpital américain de Neuilly-sur-Seine à Paris. Les rumeurs les plus folles circulent pendant plusieurs jours. Quelques mois plus tard, le Président Déby révèle dans une interview à Jeune Afrique qu’il souffre d’une colopathie, conséquence d’une mauvaise alimentation du temps de la guerre civile au Tchad. « J’ai eu un malaise dû à une hausse subite de ma tension artérielle, qui est montée jusqu’à 22. Pour ne rien vous cacher, j’ai souffert, au cours des années 1970 et 1980, de problèmes d’amibes, qui sont des parasites du tube digestif… ».

Depuis cet épisode, la santé du dictateur tchadien est suivie avec plus d’attention. Chaque séjour à Paris, où il fait régulièrement des check-up médicaux à l’hôpital américain, s’accompagne de rumeurs les plus folles en fonction de la durée de l’absence. Et tous ses faits et gestes à l’étranger sont scrutés à la loupe pour déceler la moindre maladie.

Quelle que soit sa forme actuelle, Idriss Déby a la santé d’un homme de plus de 70 ans dont la vie a été marquée par des années de guerre, d’alcool, d’une multitude de femmes, d’une mauvaise hygiène de vie et enfin de 30 années d’activités intenses de Chef d’Etat qui a affronté plusieurs attaques rebelles.

Il faut aussi reconnaître que le Président Déby aime bien la propagation des rumeurs pour faire un buzz sur les réseaux sociaux autour de ses innombrables vraies et fausses maladies. Selon ses anciens proches collaborateurs, lorsque le Président Déby sent la tension sociale monter au Tchad ou lorsque ses soutiens occidentaux lui font des reproches sur sa gestion calamiteuse du pays, il simule alors une crise, s’enferme dans sa chambre et fait courir une folle rumeur sur l’état de sa santé devenu subitement chancelant. « Vous allez voir le jour, où je ne serai pas là ! » Et ensuite, il guette à travers ses informateurs les réactions des uns et des autres: quels sont les différents scénario envisagés en cas de sa disparition ? Qui a dit quoi lors des réunions secrètes, quel a été le comportement de telle personne ou de tel groupe, à commencer par les membres de sa famille, de son clan, des originaires du B.E.T ? Qui sont ceux qui se positionnent et qui courent vers les chancelleries occidentales à N’Djaména ? … Le despote tchadien éprouve un plaisir immense à écouter les compte-rendus très épicés faits par les bouffons du roi sur les réactions des uns et des autres. C’est aussi une stratégie pour démasquer ses ennemis de l’intérieur et préserver son pouvoir.

Mais, qu’est ce qui s’est passé après le 13 janvier 2020 ?

Il semble qu’à Pau, le Président Déby n’a pas été sermonné pour simuler encore une fausse maladie. En effet, on a besoin de lui pour envoyer dans les plus brefs délais un bataillon de soldats tchadiens dans la région de trois frontières (Mali, Niger et Burkina Faso) pour lutter les terroristes. Mais, selon des sources proches du Palais présidentiel, après le Sommet de Pau, le dictateur tchadien est monté à Paris pour « faire un bilan habituel de santé » dans un « cadre privé ». Cette version vient d’être confirmée implicitement par le Porte-parole du gouvernement tchadien. « Il arrive à nous tous en tant qu’êtres humains de faire des contrôles », a déclaré le ministre Oumar Yaya Hissein à la Radio de Tchadaoubaye Migo Natolban.

D’après une autre source à Paris qui a requis l’anonymat, le despote tchadien a été hospitalisé à l’hôpital américain, où il aurait subi une intervention chirurgicale. Selon cette même source, son état de santé nécessite encore une surveillance médicale.

Pourquoi alors le Président Déby a quitté rapidement son lit d’hôpital à Paris pour rentrer d’urgence dans son pays ? Pourtant, le Président gabonais Ali Bongo est resté 10 mois à l’étranger pour se reposer et pour sa rééducation après son accident vasculaire cérébral (AVC). Le Président Camerounais Paul Biya est, pour la plupart du temps, malade en Suisse sans inquiéter personne dans son pays. Mais le Tchad n’est ni le Gabon, ni le Cameroun, où les institutions sont solides.

Selon plusieurs observateurs, c’est le message posté sur les réseaux sociaux, le mercredi 22 janvier à 02h28, par le président de l’Organisation Tchadienne des Droits de l’Homme (OTDH), Baradine Berdeï Targuio Chegué, qui est venue perturber le sommeil et le repos du despote tchadien dans la capitale française.

URGENT. Le moment est à la prudence : le président Déby serait gravement malade et hospitalisé en France.

Publiée par Baradine Berdeï Targuio Chegué sur Mardi 21 janvier 2020

Ce court message écrit au conditionnel et en apparence inoffensif, s’est propagé comme une traînée de poudre dans les groupes tribaux zaghawa sur WhatsApp. Il a fait sonner le tocsin qui a résonné jusqu’à la chaîne des montagnes de l’Ennedi dans le nord-est du Tchad. La conséquence fût immédiate, le Président Déby a décidé de débrancher tous ses soins pour rentrer en catastrophe à N’Djaména.

Pour situer un peu nos lecteurs, il faut dire que l’activiste Baradine est issu de la grande famille de Berdeï Targuio du clan d’Archei dans le canton Borogate de l’Ennedi. Les Borogate de la Guelta d’Archei, dans le département de Fada, sont les oncles maternels directs du Président Déby.

Il faut aussi rappeler que, lors de la guerre de l’or à Miski, ce même militant des droits de l’homme avait menacé, en novembre 2018, de porter plainte contre Idriss Déby et ses officiers à la Cour Pénale Internationale (CPI) à travers son association OTDH, enregistrée au Tchad le 27 septembre 2006 au registre des associations sous le Folio numéro 2482. « Monsieur le Président, arrêtez les massacres des Tedas et négociez avec eux. Sinon, l’OTDH se verra dans l’obligation et ce, conformément à l’article 5 de la CPI de s’adresser à cette Cour. L’OTDH va devoir fournir des preuves au bureau du procureur de la CPI. Ce bureau agit indépendamment et est chargé de recevoir les communications et tout renseignement dûment étayé concernant les crimes relevant de la compétence de la Cour, de les examiner, de conduire les enquêtes et de soutenir l’accusation devant la Cour », a écrit l’activiste Baradine Berdeï dans une lettre ouverte adressée au Président Idriss Déby. Cette menace a été largement commentée et diffusée dans les groupes tribaux goranes et Zaghawa sur WhatsApp, et est parvenue aux oreilles des commandants militaires des forces déployées dans la région aurifère de Miski. L’homme qui tient le Tchad d’une main de fer depuis plus de trois décennies se rappelle encore que cette menace a même déstabilisé le commandement de l’armée. En effet, après cet appel, plusieurs officiers, originaires du B.E.T, avaient commencé à bouder les ordres de l’Etat-major dans une guerre dont l’objectif ne semblait pas très légitime.

Pour le régime tchadien, le dernier message de Baradine Berdeï sur l’état de santé du Président est un message de trop. Selon les proches de l’activiste des droits de l’homme, Baradine Berdeï a été arrêté manu militari, le 24 janvier, chez lui devant sa famille et serait même blessé au cours de l’interpellation.

La Convention Tchadienne de Défense des Droits de l’Homme (CTDDH) se dit « préoccupée par l’agression sauvage, suivie d’une tentative d’enlèvement du camarade Baradine Berdei Taguio président de l’Organisation tchadienne des droits de l’Homme par la police politique (ANS) et condamne avec la dernière énergie, ces actes sauvages de gangstérisme d’état et rendra le gouvernement tchadien responsable d’une éventuelle atteinte à son intégrité physique ». La CTDDH exige sa libération immédiate.  Même son de cloche du côté du parti politique Union Sacrée pour la République (USPR). « M. Baradine Berdeï Targuio doit être immédiatement libéré. Évoquer la santé du chef de l’État n’est pas un crime. C’est au contraire la preuve que les citoyens se soucient de l’état de santé de leur président », a ironisé sur sa page Facebook le journaliste François Djékombé, président de l’USPR. Pour les observateurs politiques, la détention de Baradine Berdeï risque à terme de fissurer le soutien au Président Déby de la communauté Borogate qui sont très mélangée avec les Bilia (clan de Déby) de l’Ennedi et les autres Goranes du B.E.T.

À son départ du Tchad, la Représentante Résidente du PNUD, Madame Carol Flore-Semereczniak a été élevée ce jeudi 30 janvier au rang d’Officier de l’Ordre National du Tchad par le Président Idriss Déby.

Depuis son retour à N’Djaména, Idriss Déby a repris progressivement ses activités de Président de la République. Il a élevé, ce jeudi matin, deux diplomates arrivés en fin de mission. Il s’agit de l’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire des Emirats Arabes Unis, M. Mohammed Ali Al-Shamsi et de la Représentante résidente du PNUD au Tchad, Mme Carole Flore-Semereczniak. Ce mercredi 29 janvier, il a reçu en audience une délégation de la force Barkhane conduite par l’Ambassadeur de France au Tchad, son Excellence Bertrand Cochery et comprenant le Commandant de la force Barkhane, le Général Pascal Facon. La participation du contingent tchadien dans la zone des trois frontières : Mali-Niger-Burkina-Faso était au centre de l’entretien.

Au total, 17 chefs d’Etat africains sur 54 ont plus de 70 ans, dont 4 plus de 80, ce qui s’explique surtout par la rareté des alternances démocratiques. Sur ces 17 septua-octogénaires, 8 sont au pouvoir depuis plus de quinze ans, tous dans des pays très verrouillés politiquement. Et sur les quinze chefs d’Etat en place depuis le plus longtemps de par le monde -plus de 25 ans- tous sont africains, sauf le président kazakh, l’Empereur du Japon, le sultan de Brunei et la reine d’Angleterre.

TchadConvergence

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