Dans un enregistrement vidéo posté sur Facebook, le 7 mai 2020, l’ancien ministre des Mines et de l’Énergie, ancien conseiller à la Présidence de la République et Représentant Résident de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) en République du Tchad, Yaya Dillo Djerou Betchi a demandé au Président Idriss Déby d’écarter son épouse Hinda Déby Itno et sa Fondation Grand Cœur (FGC) de la gestion de l’épidémie du coronavirus.
Yaya Dillo a dénoncé notamment la convention « opaque » signé le 16 avril dernier entre la Cellule de de veille et de sécurité sanitaire et la Fondation Grand Cœur de la Première Dame Hinda Déby. Cet accord est qualifié de « conflit d’intérêt » par Yaya Dillo. Pour l’ancien Conseiller du Président Déby, la Première Dame Hinda Déby, à travers sa Fondation, « arrache » les prérogatives de certains ministères notamment dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de la culture etc… Il a demandé au Président Déby d’écarter son épouse et sa fameuse fondation des affaires de l’Etat. La vidéo devient virale sur les réseaux sociaux et quelques jours après, les conséquences de cette sortie médiatique de l’ancien ministre s’enchaînèrent.
Première conséquence:
Une plainte pénale a été déposée auprès du parquet d’instance de N’Djaména par un collectif d’avocats pour « diffamation et injures à l’endroit de Madame Hinda Deby Itno et la Fondation Grand Coeur (FGC) ».
Deuxième conséquence:
Le représentant de la Commission Economique et Monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) au Tchad, Yaya Djillo Djerou a été suspendu de ses fonctions le 11 mai par le président de cette institution, Pr Daniel Ona Ondo pour « manque de neutralité et violation du droit de réserve ». Selon plusieurs observateurs, N’Djaména aurait fait des pressions politiques sur l’institution sous régionale pour obtenir la suspension de Yaya Dillo, qui aurait brandi son immunité diplomatique contre la plainte de la Première Dame et sa fondation.
Les avocats de la Première Dame Hinda Déby et de sa fondation FGC ont dénoncé lors d’une conférence de presse tenue le 29 mai à la Maison des médias un « laxisme dans le traitement » de leur dossier contre Yaya Dillo. « Plusieurs convocations ont été émises pour auditionner le mis en cause, mais en vain, a expliqué Maître Mbaigangnon Athanase. « Depuis deux semaines, nous constatons qu’il y a un laxisme avéré qui n’honore pas notre administration judiciaire et cela ne peut se justifier. Le parquet, censé prêter main forte pour interpeller le mis en cause est resté inerte, faisant croire qu’il existe au Tchad une justice à double vitesse. Il est à rappeler dans le cas d’espèce, qu’il s’agit d’un citoyen comme tout autre. Nous devons respecter les législations en vigueur », a-t-il poursuivi.
Faux, a répondu maître Frédéric Dainonet qui défend l’ancien ministre. « C’est un fonctionnaire international de la CEMAC, rappelle-t-il. Même s’il est vrai qu’il a été suspendu de sa fonction de représentant de la CEMAC au Tchad, cela ne lui ôte pas son statut de fonctionnaire de la communauté dans la mesure où son contrat est toujours en cours. Monsieur Yaya Dilo jouit de ses privilèges et immunités ».
Quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre
Selon des sources concordantes, après le refus de se rendre à la convocation, une section de la police judiciaire a été envoyé chez le Représentant Résident de la commission de la CEMAC en République du Tchad. Mais sur place, les policiers ont trouvé Yaya Dillo Djerou entouré de ses proches dont certains étaient armés. La plupart d’entre eux sont aussi des proches et fervents défenseurs du Président Déby. Cette affaire de la Première Dame Hinda Déby contre Yaya Dillo est donc belle et bien une affaire de Déby contre Déby. Chez le ministre, il y avait aussi tous les voisins du quartier et même les gens de la communauté « khourouj » qui le défendaient. Selon tous ces gens qui le soutiennent, « Yaya Dillo a osé dire tout haut ce que tous les tchadiens pensent tout bas. Il ne doit donc pas être inquiété ».
Après avoir encerclé le domicile du ministre quelques temps, les policiers ont rebroussé chemin sans tenter d’entrer par la force. Ils étaient revenus encore une ou deux fois mais sans grand succès. Les commandants de la police nationale tchadienne ne peuvent pas, pour une banale histoire de plainte, ordonner à utiliser la force au risque de provoquer une effusion de sang chez Yaya Dillo, cousin du Président Déby, qui a des attaches à la fois chez les Béris et les Goranes de l’Ennedi et ainsi déstabiliser le régime du Maréchal du Tchad. Non, une telle situation n’est pas souhaitable et ne serait pas sage !
La Dame qui a fait main basse sur toutes les sphères du pouvoir politique et du business au Tchad peut commander les ministres, gouverneurs, directeurs, administrateurs, … et autres tipayos de service. Mais là, les gens sont souvent semi-analphabètes et ne prennent leurs ordres que chez le dictateur en chef sans aucun intermédiaire et dans le strict respect de la hiérarchie militaire.
Et depuis lors, ni ministre de la Justice, ni procureur, ni avocat, plus personne n’a parlé de cette affaire jusqu’à ce jeudi 2 juillet 2020. On dit que quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre.
Audition à Iriba, à 74 km de la frontière du Soudan
En séjour privé au village, le Représentant Résident de la CEMAC en République du Tchad, Yaya Dillo Djerou a été finalement auditionné par une commission rogatoire de la police judiciaire, le jeudi 2 juillet, sur la place publique d’Iriba dans la province du Wadi Fira.
Face à un parterre de plus de 700 personnes venues soutenir l’ancien Conseiller particulier chargé de missions du Maréchal Idriss Déby, les agents de la police judiciaire, dépêchés de N’Djaména ont interrogé Yaya Dillo sur ses propos dans la vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Il faut noter que l’homme qui a mobilisé 640 déserteurs de l’armée tchadienne, en octobre 2005, pour créer le mouvement politico-militaire baptisé Socle pour le changement, l’unité nationale et la démocratie (SCUD), est très populaire par là.
Yaya Dillo a expliqué calmement, point par point, aux enquêteurs, depuis l’affaire qui a opposé Ismaël Souleymane Lony à Khoudar Abderahim Acyl, frère de la Première Dame Hinda Déby jusqu’à cette nouvelle affaire, comment la justice est instrumentalisée au Tchad.
Il a aussi évoqué le cas du président de l’Organisation Tchadienne des Droits Humains (OTDH), Baradine Berdeï Targuio détenu en prison à l’Agence nationale de sécurité (ANS) depuis plus de 5 mois sans aucun jugement.
TchadConvergence
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