Lancée en 2013 pour tenter de casser la spirale de tueries intercommunautaires en Centrafrique, l’opération française Sangaris s’achève officiellement ce lundi.
Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, est arrivé dimanche soir à Bangui pour acter la fin de l’opération Sangaris qui aura mis fin aux tueries de masse en Centrafrique, sans parvenir à neutraliser les bandes armées qui terrorisent la population.
Si Paris se veut rassurant – « la France n’abandonnera jamais la Centrafrique », a affirmé dimanche depuis Abidjan le Premier ministre Manuel Valls – et met en avant la présence de plus de 10 000 Casques bleus de la Minusca, nombre de Centrafricains ne cachent pas leur inquiétude au sujet du départ des soldats français, arrivés dans l’urgence en décembre 2013.
Ces dernières semaines, les Centrafricains voient en effet – la peur au ventre – ces bandes reprendre leurs exactions à grande échelle à l’intérieur du pays. Selon la Minusca, elles ont fait au moins plusieurs dizaines de morts et contraint des villageois à se cacher dans la brousse.
« Un succès » selon Le Drian
Ces groupes sont essentiellement issus de factions parfois rivales de l’ex-rébellion Séléka à dominante musulmane, chassée du pouvoir après l’intervention française, de miliciens anti-balaka, se revendiquant chrétiens, mais aussi de groupes d' »auto-défense » d’éleveurs nomades peuls, de bandes spécialisées dans le racket routier et d’éléments « incontrôlés ».
La Centrafrique peine à se relever du chaos de la guerre civile provoquée en 2013 par le renversement de l’ex-président François Bozizé par des rebelles séléka qui avait entraîné une contre-offensive des milices anti-balaka.
Malgré ce cocktail sécuritaire explosif, la France, ancienne puissance coloniale restée omniprésente depuis l’indépendance, considère que la mission de Sangaris est achevée.
« Nous fermons une opération parce que cette opération a été un succès », a assuré le 19 octobre devant l’Assemblée nationale à Paris Jean-Yves Le Drian. « Nous avons évité des massacres de masse (…) permis un processus de réconciliation intercommunautaire, la reconstitution de l’Etat centrafricain, une élection présidentielle, des élections législatives », a-t-il énuméré.
Selon Paris, environ 350 militaires français, équipés de drones d’observation, resteront présents, dont une centaine au sein de la force de l’ONU.
« Un goût d’inachevé »
Si Sangaris – dont l’action a été ternie par des accusations de violences sexuelles qui mettent en cause également la Minusca – a effectivement mis fin à la terreur des bandes armées, les Centrafricains attendaient de la France qu’elle les débarrassent de ces « combattants » qui les martyrisent depuis des années dans l’impunité la plus totale.
« Je trouve que cela a un goût d’inachevé et risque bien de replonger le pays dans une situation beaucoup plus dramatique », témoigne Edgar Ngbaba, enseignant, interrogé sur la fin de Sangaris.
« Moi, je ne crois pas du tout à ce départ », dit Marie Ndoïnam, commerçante. « Je me demande si ces gens ne sont pas déjà en train de tirer profit du départ des Français, en prenant position ça et là. Et que font les autorités? ».
Le gouvernement centrafricain ne dispose pas de forces de sécurité capables de tenir tête aux groupes armés et doit s’en remettre à la Minusca.
L’inquiétude des Banguissois est nourrie par les nouvelles parvenant de l’intérieur du pays. Selon des sources centrafricaines, plusieurs centaines d’ex-séléka lourdement armés et issus de factions rivales se sont regroupés récemment à Batangafo (350 km au nord de Bangui).
Source: SudOuest.fr avec AFP