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Le Qatar lorgne-t-il sur l’or de Miski en contrepartie de son soutien financier à la transition au Tchad ?

Apparue au printemps 2016 aux alentours de la mine de Kouri Bougoudi puis de Miski, l’exploitation aurifère artisanale dans la région du Tibesti a connu un développement fulgurant, avec comme corollaire l’orpaillage illégal.

C’est un principe immuable : chaque découverte d’un gisement aurifère entraîne une ruée d’orpailleurs, en majorité illégaux. Ainsi, de milliers d’individus venus de divers horizons et majoritairement étrangers, ont envahi le paysage paisible, presque lunaire, du Tibesti.

La région, déjà dépourvue de tout en termes d’accueil, de soins et de marchés, n’était pas à l’évidence préparée à un tel bouleversement. Les conséquences de ce phénomène d’orpaillage sont multiples : environnemental, social, sécuritaire, économique.

Les différents ministres des Mines et de la Géologie ont brillé jusque-là par leur effacement dans ce dossier géré directement par la mafia tapie à la présidence du Tchad. Alors qu’ailleurs, la tendance est la refonte du cadre règlementaire régissant le secteur minier afin d’optimiser les recettes et de combler le flou juridique.

Kouri et Miski, deux agglomérations situées à proximité des gisements, sont devenues en quelques mois la capitale de l’or tchadien. Les réserves seraient énormes et classeraient le Tchad parmi les plus grandes réserves mondiales d’or.

Quelque 30 000 personnes y exerceraient aujourd’hui une activité directement ou indirectement liée à l’or, essentiellement des mineurs artisanaux illégaux et des travailleurs intervenants dans le transport et le traitement du minerai extrait.

En l’absence de tout cadre juridique et institutionnel, cette ruée vers l’or a conduit au chaos et à des pertes humaines, environnementales et sécuritaires, encourageant dans certains cas la contrebande et le blanchiment d’argent. Le manque de volonté affiché de l’Etat de cadrer l’activité des mineurs et l’absence de transparence dans l’octroi de permis de prospection à des exploitants indépendants (proches du pouvoir), ont conduit à l’insurrection et aux affrontements entre les autochtones regroupés au sein d’un comité d’auto-défense et les forces gouvernementales.

Cette situation de ni paix ni guerre dans la région de Miski et de Kouri n’a cependant pas permis de régler la question des mineurs illégaux, toujours plus nombreux à extraire artisanalement l’or. Cette situation prive l’État de ressources conséquentes. L’or du Tibesti est revendu à des négociants qui approvisionnent le marché noir notamment à destination du Soudan, du Niger, de la Libye, du Mali et de l’Algérie.

Sur le plan national, ce sont des groupes organisés et protégés par les Généraux de l’armée nationale qui prospèrent dans ce trafic, exactement comme les autres illégaux. L’exploitation anarchique de ce minerai alimente les revenus de divers groupes d’intérêts et installe une situation de no man’s land. Les djihadistes et des narcotrafiquants en échange de leur protection lors du transport hors du pays, trouvent également leur compte.

Au préjudice financier s’ajoutent des risques d’accidents omniprésents, du fait du caractère rudimentaire des équipements et de la protection des puits d’orpaillage. Des effondrements de puits sont fréquents et le plus souvent mortels. Cette préoccupation sécuritaire ne doit pas masquer le climat de violence connexe, des vols meurtriers, des règlements de compte entre groupes, des actes de tortures à caractère xénophobe qui se développent et alimentent les réseaux sociaux. La sécurité des personnes et des biens est une prérogative exclusive de l’Etat. Or c’est un constat que l’Etat fait le strict minimum dans cette région du BET en général et au Tibesti en particulier.

Impact environnemental majeur

Mais c’est l’environnement qui paie le prix fort de ces pratiques, le traitement du minerai aurifère reposant sur l’utilisation massive du mercure et du cyanure. Son stockage puis sa combustion à l’air libre entraîne sa diffusion dans l’environnement, au préjudice des orpailleurs, des habitants des communautés avoisinantes et de la biodiversité unique du Tibesti. Combien de tonnes de mercure ont été consommées pour extraire les tonnes d’or ces dernières années ? Au sommet de l’Etat, la question environnementale ne préoccupe personne. Depuis 2016, aucune volonté d’encadrement de l’orpaillage artisanal n’a été constatée. En revanche, l’Etat (ici des hommes proches de la famille présidentielle) a fait visiter les sites par des entreprises Israélienne, française, marocaine, Sud-africaine. L’opacité qui entoure le projet d’exploitation de l’or du Tibesti par ces firmes internationales ne rassure ni les autochtones ni les autres Tchadiens. L’exploitation du pétrole est un exemple parlant à ne pas répéter.

Après la visite du président du Conseil Militaire de Transition (CMT), le Général Mahamat Idriss Déby à Doha au Qatar pour demander des financements afin d’organiser le forum national inclusif, il se murmure que les Qataris ont aussi jeté leur dévolu sur l’or de Miski. Il y a quelques jours, l’ancien Président Goukouni Weddeye et le Général Oki Dagache, tous deux natifs de la région du Tibesti, y ont effectué une visite mouvementée à Miski avant de s’envoler à leur tour au Qatar.

L’hospitalité est une tradition légendaire du peuple tchadien. Cependant, la destruction de la maison (l’environnement) de l’hôte n’est pas tolérable ni acceptable sous prétexte d’une quelconque tradition d’hospitalité. L’orpaillage artisanal doit immédiatement cesser dans tout le Tibesti afin que le cadre de vie des populations soit protégé et préservé.

Par Ahmat Goukouni

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