(N’Djaména, 13 mars 2022) – Les travaux du pré-dialogue, plusieurs fois repoussés, entre la junte au pouvoir au Tchad et les groupes politico-militaires, ont débuté ce dimanche à l’hôtel Sheraton de Doha au Qatar.
Le Premier ministre du Tchad, Pahimi Padacké Albert a lancé ce 13 mars les travaux du pré-dialogue avec les délégations de 52 mouvements armés tchadiens. Dans son discours, le chef du gouvernement de transition a demandé aux politico-militaires d’emprunter la voie du dialogue et de la réconciliation nationale.
Comment le MPS s’est imposé dans le pré-dialogue avec les rebelles
L’ancien président Goukouni Weddeye, qui jouait jusque-là le rôle de médiateur du processus de dialogue avec les rebelles, a été débarqué et le Comité Technique Spécial (CTS) chargé de l’organisation du pré-dialogue avec les politico-militaires a été dissout. C’est à la suite d’un décret rendu public mercredi 9 mars que les Tchadiens ont été informés que le président du Comité technique spécial (CTS) relatif à la préparation de la participation des mouvements politico-militaires au dialogue national inclusif (DNI) dirigé par l’ancien président Goukouni Weddeye, a cédé la place au Comité spécial chargé des négociations avec les politico-militaires. D’après le décret du Premier ministre, c’est désormais le ministre tchadien des Affaires étrangères, Chérif Mahamat Zene, un cacique du MPS, parti du défunt président Idriss Déby, qui est chargé de négocier avec les groupes politico-militaires tchadiens. Du coup, le « pré-dialogue avec les politico-militaires » devient « négociations avec les politico-militaires ».
« Nous avions dit que M. Goukouni Weddeye était l’homme qu’il fallait en raison de sa probité et de son expérience. Cette façon de faire crée beaucoup de confusion », a commenté au téléphone pour l’AFP le chef du Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad (FACT), Mahamat Ali Mahdi. « La décision du gouvernement » de limoger Goukouni Weddeye relève « d’une manœuvre dilatoire ou du sabotage, elle pourrait avoir de lourdes conséquences », a-t-il poursuivi.
Le Mouvement d’Action pour le Changement au Tchad (MACT) a annoncé dans un communiqué, ce dimanche matin, qu’il ne participera plus ni aux assises du pré-dialogue qui s’ouvre à Doha, ni au dialogue national inclusif prévu à N’Djamena au mois de mai 2022. Selon son président, Ali Ordjo Hemchi, le « retrait du MACT ainsi que son refus d’être complice d’une fumeuse opération de ruse politicienne est dicté par des considérations objectives et compréhensibles”. Pour le président du MACT, « c’est le lieu d’exprimer toute sa gratitude au gouvernement du Qatar qui n’a ménagé aucun effort pour faciliter leur participation au pré-dialogue de Doha ». Par ailleurs, M.Ordjo Hemchi souligne que « l’éviction inattendue du président Goukouni Weddeye du processus du dialogue inter-tchadien l’inquiète et confirme sa suspicion que ce dialogue inclusif tant agité dans les discours officiels que dans les médias va irrémédiablement ressembler à la Conférence nationale de 1993 dont – au-delà de son caractère spectaculaire, les recommandations, résolutions et cahiers de charges n’ont jamais été respectés par le régime MPS qui s’est cramponné au pouvoir pendant 30 ans sans coup férir ».
Un autre puissant chef rebelle s’est montré très pessimiste, « car 90% des membres du comité de médiation sont contre le dialogue, ils ne viennent pas pour la paix, ils ont déjà un accord pré-écrit qu’ils feront signer à ceux qui veulent rentrer au pays ». « Le dialogue de Doha permettra à certains qui n’ont pas d’hommes sur le terrain de signer un simulacre d’accord pour pouvoir rentrer au pays », renchérit un autre, toujours anonymement à l’AFP car tous assurent avoir reçu la consigne des organisateurs de ne pas parler publiquement avant Doha. « En dehors de garantie sécuritaire qu’on va leur donner pour participer au Dialogue national inclusif et de la restitution de leurs biens confisqués, il ne faut pas s’attendre à une évolution politique majeure », admet aussi anonymement un membre de la délégation gouvernementale.
Après l’ouverture des négociations ce dimanche à Doha, la délégation du Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad (FACT) a quitté la salle de la conférence où se tiennent les travaux. Selon une source de Tchadinfos, la délégation du FACT se retire des négociations tant que le Qatar n’est pas désigné médiateur. D’après la même source les autres participants pour leur majorité partagent le même avis.
Autre point faible de l’organisation de ces négociations, c’est la couverture médiatique de l’événement. Jusqu’à ce matin, la presse privée indépendante n’est pas associée à la couverture médiatique. Les médias publics sont représentés à Doha mais ceux indépendants sont bloqués à N’Djaména.