Le jeu en vaut la chandelle car de l’acceptation des diplômes présentés dépend leur réintégration dans la fonction publique et subséquemment la remise de leur salaire. C’est après avoir découvert en février 2014 l’existence de 10.000 fonctionnaires fictifs que l’État tchadien a décidé de pousser plus loin ses investigations en procédant à la vérification de l’authenticité des diplômes de ses 84 000 agents environ.
La nervosité est palpable sur le visage des hommes et femmes qui forment la queue devant les guichets derrière lesquels siègent les agents des commissions de contrôle de l’inspection générale d’État (IGE). Bob Alladoum Gambor, un enseignant qui boucle ses 20 ans de carrière, attend stoïquement dans la longue file d’attente son tour de passer devant les pointilleux agents de l’IGE.
«On n’a pas le choix comme l’Etat nous exige d’authentifier nos diplômes», souligne-t-il en essuyant la sueur dégoulinant de son front à cause du soleil qui darde déjà ses rayons. Gambor devra une fois arrivé devant le guichet de vérification, sortir tous ses diplômes originaux qui ont permis son recrutement et attendre qu’après vérification on lui délivre un «OK», passeport lui permettant de passer à la caisse pour le reçu de paiement de son salaire.
Cartable sur tête pour se protéger contre le soleil, Alhabib Ahmat a du mal à comprendre qu’on l’oblige à corvée. «Je me demande c’est quel genre d’audit où le fonctionnaire lui-même authentifie ses parchemins. La commission de contrôle nous fatigue pour rien. Combien des contrôles ont été faits sans résultats probants ?», s’emporte-t-il.
Appelée authentification, l’opération consistant à comparer le diplôme original avec le diplôme photocopié déposé n’est pas gratuite. Le paiement varie suivant les diplômes à vérifier : le baccalauréat est à 1500 FCFA contre 5000 FCFA pour tout au diplôme supérieur.
Pour Arnaud, un instituteur ayant poursuivi les études jusqu’à l’obtention d’une maîtrise l’authentification risque de lui coûter un peu plus que ses collègues qui se sont contentés de leur premier diplôme d’enseignant. «J’étais instituteur et maintenant je suis détenteur de diplôme de maitrise et on me dit de tout authentifier. Je dois débourser plus de 20 000 FCFA pour authentifier tous mes diplômes». Dur, dur pour Arnaud.
Pourtant, il y a plus ardu : ceux qui ont étudié à l’étranger et sont rentrés pour se faire recruter avec leurs diplômes sans les accompagner de relevés de notes. Comme l’ONECS n’accepte d’authentifier que les diplômes accompagnés des relevés de notes, beaucoup de fonctionnaires sont dans l’angoisse.
Pour des fonctionnaires comme Djarvang dont l’attestation de diplôme avait une validité d’une année, il lui faut retourner à Ngaoundéré au Cameroun où il a fait une partie de ses études pour se procurer un nouveau parchemin avant de revenir se soumettre à la corvée de l’authentification. Djarvang a l’impression d’avoir perdu du temps, car il lui a fallu faire la queue sous le soleil jusqu’à accéder aux guichets de l’ONECS pour essuyer un refus ponctué d’un conseil à faire le voyage au pays de Paul Biya.
Au demeurant, Djarvang n’est pas le seul fonctionnaire obligé de retourner momentanément dans le pays de ses études supérieures, relève un agent de l’ONECS qui épingle au passage la négligence de ses compatriotes qui rentrent au pays sans s’assurer qu’ils ont avec eux toutes les pièces certifiant leurs parchemins.
«C’est très compliqué pour certains agents. Ils se sont précipités pour rentrer au pays et maintenant, ils doivent encore aller rechercher certains documents à l’étranger», souligne ce guichetier de l’ONECS qui cite le cas de fonctionnaires mis en demeure d’apporter leur mémoire de fin d’étude ainsi que le procès-verbal de soutenance.
TchadConvergence avec APA
[…] Continuer à lire » […]