Par un communiqué publié ce samedi, le gouvernement du Tchad a réaffirmé l’engagement de la junte militaire à respecter le délai du 10 mai pour la tenue du dialogue dit « national inclusif » à N’Djaména.
Le gouvernement demande à tous les tchadiens de « se préparer à ce grand évènement qui constitue une étape importante de la marche vers l’installation d’institutions démocratiques attendues par l’ensemble du peuple », selon le communiqué signé par le ministre de la Communication Abderaman Koulamallah.
A moins d’un mois de cette date fatidique du 10 mai, un accord a été présenté par le médiateur qatari aux groupes politico-militaires à Doha. C’est un document de quatorze pages contenant des propositions venues de N’Djamena qui a été présenté aux mouvements rebelles. Les groupes politico-militaires avaient 4 jours pour présenter leurs contre-propositions, mais déjà on voit un grand fossé entre les deux parties. Le texte de N’Djaména n’a pas du tout plu aux groupes politico-militaires.
L’un des négociateurs, le colonel Adoum Yacoub Kougou avait rejeté d’un revers de main les propositions de N’Djamena. « C’est un document qui ne propose absolument rien, dans ce sens qu’il demande purement et simplement le ralliement des groupes politico-militaires. C’est un texte honteux, indigne d’être présenté dans un forum de cette nature. C’est un manque total de considération de l’opposition politico-militaire, mais aussi du médiateur », a-t-il déclaré à RFI.
Pour les rebelles, le gouvernement a une vision bien trop réductrice du dialogue et a ressorti de vieilles propositions déjà présentées dans des négociations passées.
Selon Ali Youssouf Mahamat, l’un des principaux négociateurs, certains points fondamentaux devront obligatoirement figurer dans le texte. « Le gouvernement doit s’engager dans la réforme de l’armée nationale, qui est une armée clanique. La charte de transition n’est pas claire, il faut qu’il modifie cette charte et il faut mettre en place des institutions qui sont vraiment capables de gérer la transition. Tous ces engagements ne figurent pas dans le texte. On veut que le gouvernement change de comportement dans la gestion, dans le choix des hommes, dans la gouvernance politique, judiciaire, économique. Change de méthode. C’est ça que nous voulons », a-t-il expliqué à RFI.
« Doha n’avance pas, un accord sera très difficile à trouver, ce qui repousse la transition », selon Roland Marchal, du Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po Paris.
Il faut aussi rappeler que le Commandement Militaire pour le Salut de la République (CCMSR), l’un des rares parmi les 52 mouvements politico-militaires représentés à Doha, à avoir des combattants en arme et une base militaire dans le sud de la Libye, s’est retiré des négociations au début de ce mois. Depuis 2018, le CCMSR a mené plusieurs attaques contre la localité tchadienne de Kouri Bougoudi dans le Tibesti.
Ce communiqué du gouvernement qui maintient la date du 10 mai pour le dialogue national à N’Djaména et qui intervient au lendemain de la présentation de l’accord de paix avec les politico-militaires, semble bien mettre un terme aux négociations qui durent depuis plus d’un mois à Doha au Qatar.
Selon l’article 16 du texte de N’Djaména, « dès la signature du présent accord, les groupes politico-militaires signataires, s’ils le souhaitent, peuvent transmettre chacun par écrit leurs contributions et leurs conclusions sur les thèmes qu’ils souhaitent voir débattre lors du dialogue national et souverain en sus des thématiques retenues par le CODNI ».
S’achemine-t-on vers un dialogue national au Tchad sans la participation des vrais rebelles ?
Ce dialogue de N’Djaména pourrait donc ressembler, à n’en point douter, à ceux qui furent organisés par le défunt Déby père en 2018, puis en 2020, rassemblant des laudateurs en tout genre et transformant l’opposition en faire-valoir pour des décisions déjà prises et qui seront imposées à l’ensemble du peuple tchadien. Pour l’heure, la perpétuation du régime du Déby père semble l’hypothèse la plus probable au Tchad.