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Volte-face des acteurs politiques et de la société civile à propos du dialogue national au Tchad: nouvelle tactique, pression internationale ou deal avec la junte ?

Un à un, les leaders des partis politiques et de la société civile ses disent prêts à rejoindre le « dialogue national inclusif » (DNI) mené par le président du Conseil National de la Transition (CMT), le Général Mahamat Idriss Déby, pour « refuser de subir et pour lutter de l’intérieur », disent-ils. La Coordination des Partis Politiques pour la Défense de la Constitution (CPDC) est la dernière en date à avoir changé d’avis et annoncé sa volonté de participer au dialogue national. Notre analyse.

Après une décennie de lutte contre l’ancien régime d’Idriss Déby, Mahamat Nour Ibedou, un des défenseurs des droits humains le plus intransigeant, a surpris ses camarades de la coalition « Wakit Tama » et tous les tchadiens en déclarant qu’il est prêt à rejoindre le dialogue national. Mahamat Nour Ibedou, secrétaire général de la Convention tchadienne pour les droits humains (CTDDH ), a indiqué samedi 11 septembre ne plus vouloir subir, mais être un acteur de la gestion du pays. Pourtant, il a participé, ces dernières semaines, aux manifestations contre le processus de transition à l’appel de la coalition « Wakit Tama ». « Nous avons assez lutté en dehors du système. Et là, franchement, nous risquons d’être d’éternels contestataires. Nous refusons désormais de subir et nous avons décidé, cette fois-ci, de lutter de l’intérieur, c’est-à-dire, aller au dialogue. Il faut vraiment participer aux instances qui doivent décider de la vie du pays. C’est une option que nous avons choisie et cette option est désormais irréversible », a-t-il expliqué.

Laoukein Kourayo Médard, président du parti Convention tchadienne pour la paix et le développement (CTPD), un autre fervent opposant vient de lui emboîter le pas en déclarant: « si nous n’y allons pas au dialogue national, nous leur donnons l’occasion de s’éterniser au pouvoir ».

Pourquoi cette soudaine volte-face ? Que s’est-il passé, une nouvelle tactique de lutte contre la dictature au Tchad, une pression internationale sur les acteurs politiques et de la société civile ou un deal passé avec la junte au pouvoir ? Quelle que soit la raison, ce revirement à 180 degrés ne semble pas refléter les intérêts du peuple tchadien.

Au Tchad où la corruption tient le haut du pavé et où le militantisme se monnaye contre des postes, des promotions sociales ou encore des espèces sonnantes et trébuchantes, on peut facilement penser que les derniers opposants au système ont rejoint la mangeoire du CMT.

Peut-on aller au dialogue et lutter de l’intérieur comme cherche Mahamat Nour Ibedou à justifier sa volte-face et amener ainsi les décideurs du MPS à rectifier leurs système pour être conforme aux respects des droits des citoyens ? Il semble que les carottes seront cuites bien avant la tenue du DNI annoncée pour la fin de cette année 2021. En effet, le Député Saleh Kebzabo qui a accompagné durant trois décennies le système en place au Tchad et qui a été nommé vice-président du comité d’organisation du dialogue national Inclusif (CODNI) avait prévenu que l’essentiel de ce qui va sortir de ce dialogue sera fait par ce comité d’organisation. Le DNI officiel ne durera que deux ou trois jours qui seront consacrés à la cérémonie solennelle et à la validation en commissions des propositions du CODNI. Quand on sait que plus de 80% des membres dudit comité sont des caciques du MPS et les 20% restant sont ses alliés, on ne peut s’attendre que ce DNI finisse en Forum 3. Les Forum 1 et 2 ont renforcé les pouvoirs du défunt président Déby.

Mais d’autres leaders politiques et de la société civile tels que Succès Masra du parti « Les transformateurs » et Michel Barka, président de l’Union des syndicats du Tchad (UST), tous deux membres de « Wakit Tama », gardent leurs positions et rappellent que sur le fond rien n’a changé et que ceux qui font confiance à la junte militaire risquent d’être trompés à nouveau.

« Mahamat Nour, il faut saluer son engagement. Il s’est battu avec les moyens qu’il avait, il y a peut-être un peu de fatigue… Il y a une volonté surtout, je pense, de faire confiance, à l’aveugle, pour une dernière fois, d’une certaine manière. Parce qu’en effet, dans sa déclaration, il ne dit pas qu’il y a des choses qui ont changé et qui l’ont amené à faire ce choix. Moi, ce que je dis, c’est que nous ne pouvons pas faire seulement une confiance aveugle. Nous devons juger sur des actes. Nous autres, peut-être que nous sommes un peu plus prudents, plus exigeants. Il a choisi, lui, d’être plus bienveillant. Mais il faut des sentinelles de la nation qui exigent davantage parce que justement, on nous a trompés plusieurs fois et lui, il le sait. C’est une démarche qu’il essaie de mener de bonne foi. Je pense qu’il en tirera les leçons d’ici là. Nous n’avons pas de doute que, très tôt, ils se rendront compte que c’est une messe déjà dite à l’avance, d’une certaine manière. Voilà l’esprit en tout cas qui nous guide, tout en leur souhaitant bonne chance pour essayer d’influencer aussi, d’une certaine manière, de là où ils seront », a déclaré Succès Masra à RFI.

Un avis partagé par Michel Barka président de l’UST. S’il respecte le choix de Mahamat Nour Ibedou, il doute que cela soit efficace. « Nous respectons son point de vue. Il a pensé que le moment était venu pour changer de stratégie. Nous ne pouvons pas lui dire autre chose que bonne chance ! Nous ne sentons rien du point de vue des améliorations pour penser qu’en allant « à l’intérieur », on pourra changer quelque chose. On ne voit aucun changement. L’ancien système s’est totalement installé. Peut-être qu’il a vu autrement, mais nous, nous ne voyons rien du tout pour le moment ».

À l’annonce de la mort du président Idriss Déby, son fils s’est arrogé les titres de président de la République et de chef suprême des armées. Il a promis des élections « libres et démocratiques » au terme d’une transition de 18 mois renouvelable. Sous la pression internationale, la junte a nommé un gouvernement civil début mai. Le « dialogue national inclusif » doit se tenir en novembre et décembre. La formation d’un Conseil national de transition (CNT) de 93 membres censé assumer le pouvoir législatif et rédiger une nouvelle Constitution, se fait toujours attendre.

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