Depuis l’attaque de son domicile à N’Djamena par une unité blindée de la Garde présidentielle, le 28 février 2021, le candidat à l’élection présidentielle Yaya Dillo Djérou reste introuvable, comme l’a encore confirmé le procureur de la République.
Mais depuis lors, l’opposant Yaya Dillo est intervenu dans plusieurs médias internationaux pour expliquer les circonstances de l’assaut qui a coûté la vie à sa mère et à son fils. Il a notamment révélé à la Deutsche Welle qu’il a été exfiltré par des officiers, ceux-là même qui ont été envoyés pour l’arrêter.
Au Tchad, tout le monde se demande où se trouve Yaya Dillo, à commencer par le pouvoir qui cherche activement à le localiser. Selon des rumeurs persistantes, Yaya Dillo se réfugie dans une ambassade occidentale à N’Djaména.
Une chose est sûre et certaine, depuis sa fuite de son domicile, Yaya Dillo bénéficie d’un accès très facile aux plus grands médias. Dans les différentes interviews, l’opposant politique semble très détendu et sûr pour sa sécurité. Même si, au Tchad, tout le monde sait que l’ex-rebelle qui a mobilisé 640 déserteurs de l’armée tchadienne, en octobre 2005, pour créer le mouvement politico-militaire Socle pour le changement, l’unité nationale et la démocratie (SCUD), est un homme très calme et courageux. Dans une de ses sorties médiatiques, il a expliqué qu’il a convenu de ne pas donner de détails sur le lieu de son refuge.
Pour le site Zoomtchad, le traitement dont bénéficie Yaya Dillo de la part des médias français (RFI, TV5, et presse écrite) qu’aucun autre opposant tchadien ex-rebelle n’a pu avoir est un signe qui laisse penser que désormais la France joue la carte Yaya Dillo pour remplacer Idriss Déby.
Il semble que le dictateur tchadien a aussi compris les choses sous cet angle.
En effet, lors de son premier meeting de campagne pour la présidentielle du 11 avril 2021, dimanche dernier au stade Idriss Mahamat Ouya de N’Djamena, le candidat Idriss Déby a prononcé une insulte très vulgaire qui a mis en colère l’opposition et la société civile tchadienne. « Ni ori lekoum hak !!! Damboula hanakoum !!! («Je vous envoie chier !!! Je vous encule») avait clamé le candidat Idriss Déby à l’encontre des opposants et des « officines extérieures », pour parler des ambassades occidentales.
« Ils ont pris le mauvais chemin et sont partis pour se coaliser avec le diable pour détruire le Tchad. Beaucoup d’entre eux ont volé l’argent du pays et sont partis pour se réfugier là-bas avec des officines extérieures. Moi, Idriss Déby jaloux de la souveraineté du Tchad. Le temps de la colonisation a passé, mais certains croient aujourd’hui que ceux qui nous ont colonisé hier peuvent encore changer les choses au Tchad, je dis non, je dis NOOON, n’en déplaise à ces illuminés, n’en déplaise à ces officines extérieures, je leur dis hak, Damboula hanakoum », a hurlé le Maréchal Idriss Déby devant les « you-you » de ses partisans.
Des propos très choquants que son directeur de campagne a tenté maladroitement d’orienter vers les opposants en exil. Jean-Bernard Padaré a expliqué à RFI que le Maréchal-Président parlait des opposants en exil. « Ce n’a rien d’insultant pour quiconque a vécu ou vit au Tchad. Donc ces apatrides, ou ces antipatriotes là font feu de tout bois pour salir l’image du Tchad. Le président de la République, candidat du consensus, a voulu simplement dire en ces termes : « arrêtez de fantasmer, le Tchad n’est pas à vendre ».
Mais le journaliste François Djékombé qui a réécouté plusieurs fois les vociférations de l’homme qui tient notre pays d’une main de fer depuis plus de trois décennies, ne croit pas à l’explication du Porte-parole du MPS, parti au pouvoir au Tchad. « Quand on réécoute le discours haineux de Déby, les injures commencent juste avant « les officines étrangères », alors est-ce qu’on peut parler de la diaspora comme « officines étrangères » ? N’est-ce pas les ambassades occidentales que le Maréchal insulte et pour des raisons qu’on pourrait aisément imaginer ? », s’interroge François Djékombé, président du parti Union sacrée pour la République (USPR). Jean-Bernard Padaré aurait fait avaler la couleuvre aux gens de RFI, comme quoi Déby s’adresse à la diaspora tchadienne en injuriant « Damboula », a-t-il poursuivi sur sa page Facebook.
« Ce n’est pas croyable, un chef d’État ne peut pas dire des choses pareilles. Ils nous insulte tous. Moi, je prends ça sur moi, je me lave la main avec. Ca ne se dit pas », avait commenté le Député Ngarledji Yorongar.
L’opposant Laokein Kourayo Médard, président de la Convention Tchadienne pour la Paix et le Développement (CTPD), qui a traduit l’expression arabe en français, se dit indigné par les propos du Maréchal du Tchad.
La Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme (LTDH) et un collectif d’avocats ont déclaré ce matin, qu’à défaut d’une plainte en justice, à l’égard d’un président en fonction qui n’aboutirait pas, ils condamnent vigoureusement cette malheureuse sortie qui non seulement n’honore pas la fonction présidentielle, mais discrédite entièrement son auteur. « Au stade Idriss Mahamat Ouya, le président Idriss Déby avait proféré avec instance des injures en arabe à l’égard des Tchadiens, de la société civile et des partis politiques de l’opposition qui manifestent contre son sixième mandat, ainsi que des officines de l’extérieur. », a déclaré Me Max Loalngar, président de la LTDH, dénonçant des propos dignes des chiffonniers.